Le fournil de Dieu.





     
      
      Un jour, ils sont arrivés.
      
      La maison attendait depuis 20 ans. Elle accueillait de temps en temps le rire des enfants, la joie et les repas des vacances, et puis retombait dans son silence. Les moutons en faisaient l’entretien, le blaireau passait, croisait les hérissons, et le soir les chauves-souris glissaient comme des songes sur un ciel d‘indigo. 
  
   
     Les murs brûlants de l’été attendaient, eux aussi, et, au bas de la cour, un fournil résistait vaillamment à sa ruine. 
  
   
  Donc, ils sont arrivés. Ils ont déblayé d’abord, secoué la poussière immobile, vidé les granges de leurs javelles, les greniers des toisons, la maison vieille du pressoir et des barriques, le fournil du verre qui s’y était empilé depuis des années. Ils ont trié le bon bois de celui qui nourrirait le feu pendant l’hiver, et comme alors ils avaient peu de moyens, ils ont commencé à remettre le fournil en état en récupérant de vieilles poutres et des tuiles anciennes.
Puis le fournil a accueilli tout un déménagement et, ensuite, tout ce qu’il fallait mettre à l’abri.
Pendant plusieurs années. Le temps de s’occuper de la maison haute, puis de la grange.
  
       Dieu attendait.
  
       Un matin de printemps, il y eut des amis, ils ont nettoyé le sol, brouetté les pierres de causse et la castine claire. Et puis ont coulé une dalle. Les murs ont été enduits, un plafond de peuplier posé, les amis souriaient, les uns après les autres, hommes et femmes, vaillants à la tâche. De grands rires généreux parachevaient l’ouvrage. Le projet était d’installer là les amis de passage, les amoureux de vie.
Elle a dit : je mettrai dans cette chambre une icône de saint François !
Un autre  a souri : ce sera la chapelle Saint François.
Et comme elle riait à cette plaisanterie, il a ajouté, sérieux : tu verras !
  
      Ils verront.
  
     Dieu a souri.
  
   

     Occupés de Le suivre, ils rejoignaient souvent leurs soeurs carmélites. Le fondateur de leur congrégation, le bienheureux père Francisco Palau, --c’était de son vivant un grand amoureux de l’Eglise --, voulait faire quelque chose pour eux et le leur fit savoir par les moyens des bienheureux : il est venu visiter les songes d’une sainte femme de sa connaissance. 
   
     Eux, avançaient. Une année jubilaire leur fit poser bagage : quelque chose est fini, acceptons-nous d’aller ?
Autre chose attendait. Ils ont dit oui sans savoir, et sont allés.
   
     Dieu se frottait les mains et réchauffait leurs cœurs.
   
      Le Bienheureux souffla à cette femme habituée à fréquenter saints et anges, qu’il serait bon de… Elle transmit. Un évêque dit oui par l’intermédiaire de son vicaire, l’Eglise des hommes fait ainsi, et le Saint Sacrement vint habiter la maison haute. Tout le monde se réjouit, mais eux trouvaient que la Présence de Dieu méritait plus de partage… et ne souhaitaient pas faire de leur chambre une chapelle toujours offerte !
   
      Alors, ils ont regardé le fournil…
   
    Un matin où ils en parlaient ensemble, ils ont reçu d’Assise une carte postale, il y était question de joie et de paix, et de ce quelque chose de simple que l’expéditeur reconnaissait aussi chez eux. Sur l’image : Saint François évangélisant les oiseaux. C’était l’icône qui était destinée au fournil. Ils ont donné le fournil à François.
Il n’y manquait que la porte. Elle fut terminée dans l’hiver.
   
      L’Ami était logé…

     
    Depuis, la porte est toujours ouverte, les oiseaux vont et viennent, il y a du feu en hiver, pour les jours de joie eucharistique ou la prière assidue des religieuses de passage, des petits enfants y déposent quelques fleurs, une coquille d’œuf, une plume ou une bougie… D’autres aussi entrent, beaux enfants du Père à la recherche de cette part d’eux-mêmes qui s’est perdue au milieu de leur vie, on ne sait quand, toute noyée de trop plein… Et , avant toute chose, les assidus à prier, bien sûr, qui demeurent semaine après semaine, gardent la porte ouverte et embrassent avec Saint François tous leurs frères et sœurs en humanité.

     Dieu s’y repose quand il veut, c’est un lieu de sa liberté.
Le Bienheureux veille avec les anges sur ce lieu de son Eglise tant aimée…
L’Ami ouvre grand ses bras et son cœur à tous les passants.

   
     Eux, veillent aussi, ils prêtent leurs bras et leur mince prière, et leur fatigue. Ils se sourient : l’année de la Miséricorde va ouvrir autre chose.
Ils le savent.

     Ils verront.
  


  




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