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dimanche 5 juin 2022

Pentecôte... M. Zundel

 Un vitrail vu dans l’obscurité, ne donne aucune impression de magnificence, même si on en connaît tous les détails. Ce n’est que dans la clarté du jour qu’il prend vie.

Il en est de même de l’enseignement divin.

Les Apôtres ont suivi Jésus, ils l’ont vu mourir sur la Croix et ressusciter trois jours après.

Leurs rêves s’écroulent. Ils n’ont rien compris. Ils voient qu’il n’y aura pas de royaume d’Israël, que toutes les promesses des Prophètes valent aussi bien pour les Gentils que pour eux-mêmes.

Nous avons en nous un trésor immense et nous savons bien qu’en le trahissant, nous éteignons une lumière, nous devenons mur opaque.

Ils sont déçus. Le Maître ne revient pas.

Mais soudain, comme un vitrail qui s’illumine, le vrai visage de Jésus leur apparaît dans toute sa splendeur.

Le jour de la Pentecôte, ils sentent la brûlure d’un feu mystérieux et leurs intelligences s’éclairent, leurs cœurs s’ouvrent à l’Amour. Au-dedans d’eux-mêmes, ils découvrent Jésus. Ils comprennent le sens des Paroles qui leur ont été dites.

Et Pierre se souvient : «Lorsque tu étais jeune, tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, un autre te ceindra et tu iras où tu ne veux pas aller». (Jn 21, 18)

Il faut, en effet, se laisser faire, laisser Dieu agir en nous.

 Et Pierre découvre le vrai Dieu ! Le Dieu vivant qui est au plus intime de son cœur, le Dieu qui a tout fait par Amour, le Dieu qui appelle sa créature, le Dieu qui meurt pour la sauver, pour briser la carapace de son cœur qui s’est trop longtemps refusé. Et Pierre comprend le mystère de la Croix, le mystère de l’Amour d’un Dieu. La rencontre est consommée.

Le disciple devient cri d’amour, il lâche ses espérances de chair pour se donner à Dieu et au prochain. Il est au cœur du premier Amour. Il partira à la conquête du monde.

 Tel est le Dieu que nous avons à retrouver au plus intime de nous-même, dans le feu de la Pentecôte.

Quelle est en nous la naissance de la religion ?

C’est une voix que nous percevons au-dedans de nous, une voix qui est l’Amour et qui nous demande l’amour.

Qu’admirons-nous dans les Saints ? Ce que nous admirons, c’est une Présence que nous portons en nous et qui s’incarne en eux avec une beauté particulière. Pour être assuré de l’existence de Dieu, il suffit d’écouter en notre âme cet appel incessant à la Beauté, à l’Amour.

Il y a en effet en nous Quelqu’un qui n’est pas nous, Quelqu’un qui demande à se réaliser en nous, mais qui ne peut le faire sans nous.

Nous avons en nous un trésor immense et nous savons bien qu’en le trahissant, nous éteignons une lumière, nous devenons mur opaque.

La valeur infinie, vivante en nous, valeur qui couronne de splendeur tous nos sacrifices, ne peut régner, à travers nous, sans le consentement de notre cœur.
 Maurice Zundel, recollection 1936

samedi 29 janvier 2022

Epître aux Corinthiens... Maurice Zundel

Cette admirable épître nous rend certains que la charité est le miracle des miracles et il faut dire tout de suite qu'elle est impossible, radicalement impossible si l'on n'y voit pas -ce qu'elle est d'ailleurs- une vertu théologale. Ce mot théologale est ici décisif, et il est admirable car il veut dire que la charité, au sens évangélique, a pour objet et pour mesure et pour motif Dieu lui-même. C'est à dire que la charité n'a qu'un seul prochain, qui est Dieu. Notre véritable prochain, c'est Dieu, si proche qu'il est infiniment plus près de nous-mêmes que nous-mêmes. Et c'est à travers ce prochain divin que nous avons un prochain humain. 
Si donc la charité est au coeur de l'Evangile, c'est parce qu'au coeur de la vie, il y a une présence de Dieu. Dieu est la vie de notre vie. Dieu est confié à chacun de nous. Dieu circule en nous et nous en lui et toutes les vertus ne sont pas autre chose que le rayonnement de la présence de Dieu dans notre corps ou dans notre esprit, dans notre conduite et dans notre action.

Maurice Zundel 

samedi 25 décembre 2021

Noël...

 Dans le berceau rose, la petite fille ouvre ses yeux bleus. Elle est grave et son silence semble chargé de pensées. Il y a trois semaines, déjà, qu’elle est entrée dans l’histoire du monde dont sa vie doit être un moment. Le soir descend sur la ville, lentement aspiré par le jour qui meurt. La mère tire les rideaux, gardiens de l’intimité, en éveillant les lampes dont la clarté discrète se confond avec l’ombre qu’elle anime. Le feu se recueille dans l’âtre qui rougeoie, et, sur le manteau de la cheminée, un vieux bréviaire choral offre au regard le vermillon doré de ses lettres capitales.
 
 
Je m’approche et je lis : « Rex pacificus magnificatus est, cujus desiderat universa terra » – « Le Roi qui donne la Paix a manifesté sa gloire, la terre entière désire contempler son Visage. » C’est la première antienne de Noël, qui chante la magnificence divine de la crèche où Marie adore son enfant. Le salut du monde repose dans cet être fragile que ses parents devront bientôt soustraire à la fureur d’Hérode. Car le salut du monde est de retrouver le sens de l’amour et rien ne l’éveille plus sûrement que la majesté sans défense qui cherche un refuge dans notre tendresse.
 
Est-ce vous, Seigneur, dans la vie fragile de ce nouveau-né ?
Je me retourne vers le berceau. La petite fille s’est endormie. Mais son âme nous regarde à travers la chair diaphane, vêtue de la lumière intérieure dont elle est le reposoir. Nous retenons notre souffle pour écouter la voix silencieuse qui nous parle en ce verbe vivant :
 
« Est-ce vous, Seigneur ? »
 
La question se pose à peine, tellement il est clair que le mystère qui nous tient agenouillés devant cette enfant est Dieu même, dont son âme est le sanctuaire. La mère se lève et, sans bruit, prend dans ses bras le petit être qui respire, blotti contre son cœur, la paix divine de son sommeil.
 
C’est son bréviaire de maman, son plus beau livre d’heures, son offrande silencieuse, et son vivant Noël. Le Christ va renaître, cette nuit, dans le mystère toujours nouveau de la divine liturgie. Les cloches et la neige épandent sur les toits, leurs nocturnes sonores et veloutés. Mais quel Te Deum d’action de grâces peut se comparer à cette petite fille que sa mère, à cette heure, devant le vieil antiphonaire, consacre à Dieu, au Roi source de paix, dont la terre entière aspire à contempler le visage.
 
Et je me souviens de la parole qu’elle m’avait dite durant les mois de mon attente, dans la période recluse de son Avent : « J’espère qu’à Noël prochain, Dieu me donnera un petit enfant que je puisse lui offrir pour le remercier de s’être fait enfant ! »
 
Notre vie peut toujours recommencer
Notre vie peut toujours recommencer… Tout est sauvé à chaque instant si Dieu est sauvé. Noël peut encore être notre naissance, car tout ce qu’il y a d’humain dans l’homme, et par suite, d’existence réelle, est générosité, comme le dialogue avec Dieu… est échange de générosité… En Lui, tout se renoue…
 
Noël est, en un sens, l’offertoire de la Croix, puisque c’est Dieu livré dans sa fragilité la plus désarmée. Cela demeure comme l’étoile dans notre nuit. Au-delà de tous nos déchirements et de toutes nos impuissances, il y a cet appel irrésistible à notre générosité. C’est par-là que notre vie peut toujours recommencer et obtenir sa justification. Tout est sauvé à chaque instant si Dieu est sauvé. Sous cet aspect, Noël peut encore être notre naissance, car tout ce qu’il y a d’humain dans l’homme, et, par suite, d’existence réelle, est générosité, comme le dialogue avec Dieu, où l’homme et Dieu se trouvent à la fois, est échange de générosité. Nous pouvons donc encore rendre grâce, sans rien forcer, en nous, pour cette lumière qui est notre unique espérance, comme elle est le seul fondement de notre dignité, ferment du don que nous avons à être. Dieu reste, qui est la respiration de notre âme. En lui, tout se renoue, tous les liens se reforment, et toutes les présences se joignent et deviennent réelles.


Maurice Zundel
Retranscription d’une page isolée et incomplète sur Noël

dimanche 6 décembre 2020

Avent... M. Zundel

 C’est le sens de l’Avent: l’Avent récapitule toute l’Histoire. L’Avent représente toute l’Histoire comme une aventure qui demeure encore ouverte, suspendue au choix que nous allons faire de nous-même, car chacun de nous peut modifier toute cette Histoire, lui donner une nouvelle conclusion, la faire monter vers Dieu ou descendre vers soi.

Rilke a magnifiquement marqué l’événement unique, infini, que représente, dans chaque maison, la naissance d’un enfant, car un petit enfant qui naît, c’est un regard nouveau, c’est une nouvelle liberté, c’est un nouveau choix, c’est une nouvelle figure du monde, car cette liberté du petit enfant qui va éclore au-delà de ses instincts, cette liberté va donner au monde une nouvelle perspective, va ressaisir toute cette Histoire pour lui donner une nouvelle conclusion, pour enraciner l’univers dans un ordre nouveau.

En Jésus-Christ, l’humanité, tout entière rassemblée dans son Amour, reçoit une dignité nouvelle, parce qu’un horizon infini nous est proposé à chacun en remettant entre nos mains toute la destinée, tout le sens de l’Histoire.

Avec Jésus, c'est le monde entier qui est remis entre nos mains

Le chrétien doit se faire un cœur universel. Le chrétien est appelé avec Jésus-Christ à se dépasser infiniment, parce qu’il n’est pas chargé seulement de lui-même; il est chargé de tout l’univers, de toute l’humanité, davantage: il est chargé de Dieu dans toute l’Histoire et dans tout l’univers. (…)

Chaque petit enfant apporte donc au monde cette possibilité toute neuve, ce choix infini: au cœur de ce petit enfant, l’Histoire et l’univers sont suspendus, car la Création comme la Rédemption est une histoire à deux, une histoire que Dieu ne peut pas écrire tout seul, parce que c’est une histoire d’amour.

Toute la puissance du sourire, toute la puissance de la tendresse supposent le consentement. Sans consentement, sans ouverture, le sourire ni la tendresse ne peuvent rien.

Et la puissance de Dieu n’est pas autre chose que le sourire, que l’élan même de l’Amour qu’il est – et c’est pourquoi la création est sans cesse remise en question par le choix que nous faisons de nous-même, c’est pourquoi tout enfant est nécessaire à l’accomplissement du plan de Dieu, comme il peut, hélas, aussi, le mettre en échec.

Il y a quelque chose de vertigineux dans cette perspective, quelque chose d’écrasant à songer que chacun de nous, dans cet immense circuit de la vie, que chacun de nous en est un segment indispensable, que chacun de nous, un instant, porte toute l’Histoire, tout l’univers, tout le destin de Dieu.

C’est cela que l’Avent veut nous inculquer dans cette récapitulation de l’Histoire: avec Jésus, c’est le monde entier qui est remis entre nos mains, car il est clair que cette universalité qui embrasse tous les siècles, qui concentre tous les temps, toutes les générations, dans un seul présent où nous devenons une offrande d’amour, il est clair que cette universalité serait vaine et se réduirait à un mot, si elle n’avait pour caution l’intensité de notre amour à l’égard des hommes d’aujourd’hui, à l’égard de ceux qui nous entourent et qui doivent être l’objet immédiat de notre sollicitude et de notre attention.

Maurice Zundel, homélie 1954

dimanche 31 mai 2020

Pentecôte... notes de Maurice Zundel

Un vitrail, vu dans l’obscurité, ne donne aucune impression de magnificence, même si on en connaît tous les détails. Ce n’est que dans la clarté du jour qu’il prend vie.

Il en est de même de l’enseignement divin. Les Apôtres ont suivi Jésus, ils l’ont vu mourir sur la Croix et ressusciter trois jours après. Leurs rêves s’écroulent. Ils n’ont rien compris. Ils voient qu’il n’y aura pas de royaume d’Israël, que toutes les promesses des prophètes valent aussi bien pour les gentils que pour eux-mêmes. Ils sont déçus. Le Maître ne revient pas.

Mais soudain, comme un vitrail qui s’illumine, le vrai visage de Jésus leur apparaît dans toute sa splendeur. Le jour de la Pentecôte, ils sentent la brûlure d’un feu mystérieux, et leurs intelligences s’éclairent, leurs cœurs s’ouvrent à l’Amour. Au-dedans d’eux-mêmes, ils découvrent Jésus. Ils comprennent le sens des Paroles qui leur ont été dites. Et Pierre se souvient… « Lorsque tu étais jeune, tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, un autre te ceindra et tu iras où tu ne veux pas aller. » (Jn. 21:18)

Il faut en effet, se laisser faire, laisser Dieu agir en nous. Et Pierre découvre le vrai Dieu ! Le Dieu vivant qui est au plus intime de son cœur, le Dieu qui a tout fait par Amour, le Dieu qui appelle sa créature, le Dieu qui meurt pour la sauver, pour briser la carapace de son cœur qui s’est trop longtemps refusé.

Et Pierre comprend le mystère de la Croix, le mystère de l’Amour d’un Dieu. La rencontre est consommée. Le disciple devient cri d’amour, il lâche ses espérances de chair pour se donner à Dieu et au prochain. Il est au cœur du premier Amour. Il partira à la conquête du monde. Tel est le Dieu que nous avons à retrouver au plus intime de nous-même, dans le feu de la Pentecôte. Quelle est en nous la naissance de la religion ? C’est une voix que nous percevons au-dedans de nous, une voix qui est l’Amour et qui nous demande l’amour. Qu’admirons-nous dans les Saints ? Ce que nous admirons, c’est une Présence que nous portons en nous et qui s’incarne en eux avec une beauté particulière.

Pour être assuré de l’existence de Dieu, il suffit d’écouter en notre âme cet appel incessant à la beauté, à l’Amour. Il y a en effet en nous Quelqu’un qui n’est pas nous, Quelqu’un qui demande à se réaliser en nous, mais qui ne peut le faire sans nous.

Nous avons en nous un trésor immense et nous savons bien qu’en le trahissant, nous éteignons une lumière, nous devenons mur opaque. La valeur infinie, vivante en nous, valeur qui couronne de splendeur tous nos sacrifices, ne peut régner, à travers nous, sans le consentement de notre cœur.
Maurice Zundel (notes de Pentecôte 1936)