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jeudi 30 mai 2019

Ascension, homélie de Léon le Grand

Par Brian Jekel
Dans la solennité pascale, la Résurrection du Seigneur était la cause de notre joie ; de même, sa montée au ciel nous donne lieu de nous réjouir, puisque nous commémorons et vénérons comme il convient ce grand jour où notre pauvre nature, en la personne du Christ, a été élevée plus haut que toute l'armée des cieux, plus haut que tous les chœurs des anges, plus haut que toutes les puissances du ciel, jusqu'à s'asseoir auprès de Dieu le Père. C'est sur cette disposition des œuvres divines que nous sommes fondés et construits. La grâce de Dieu devient en effet plus admirable lorsque les hommes ayant vu disparaître ce qui leur inspirait de l'adoration, leur foi n'a pas connu le doute, leur espérance n'a pas été ébranlée, leur charité ne s'est pas refroidie.
Voici en quoi consiste la force des grands esprits, telle est la lumière des âmes pleines de foi : croire sans hésitation ce que les yeux du corps ne voient pas, fixer son désir là où le regard ne parvient pas. Mais comment une telle piété pourrait-elle naître en nos cœurs, comment pourrait-on être justifié par la foi, si notre salut ne consistait qu'en des réalités offertes à nos yeux ?
Ce qui était visible chez notre Rédempteur est passé dans les mystères sacramentels. Et pour rendre la foi plus pure et plus ferme, la vue a été remplacée par l'enseignement : c'est à l'autorité de celui-ci que devaient obéir les cœurs des croyants, éclairés par les rayons du ciel.
Cette foi, augmentée par l'Ascension du Seigneur, et fortifiée par le don du Saint-Esprit, n'a redouté ni les chaînes, ni les prisons, ni l'exil, ni la morsure des bêtes, ni les supplices raffinés de cruels persécuteurs. Dans le monde entier, c'est pour cette foi que non seulement des hommes, mais des femmes, et aussi de jeunes enfants et de frêles jeunes filles ont combattu jusqu'à répandre leur sang. Cette foi a chassé des démons, écarté des maladies, ressuscité des morts.
Par Macha Chmakoff
Les saints Apôtres eux-mêmes, fortifiés par tant de miracles, instruits par tant de discours, avaient cependant été terrifiés par la cruelle passion du Seigneur et n'avaient pas admis sans hésitation la réalité de sa résurrection. Mais son Ascension leur fit accomplir de tels progrès que tout ce qui, auparavant, leur avait inspiré de la crainte, les rendait joyeux. Ils avaient dirigé leur contemplation vers la divinité de celui qui avait pris place à la droite du Père. La vue de son corps ne pouvait plus les entraver ni les empêcher de considérer, par la fine pointe de leur esprit, qu'en descendant vers nous et qu'en montant vers le Père il ne s'était pas éloigné de ses disciples.
C'est alors, mes bien-aimés, que ce fils d'homme fut connu, de façon plus haute et plus sainte, comme le Fils de Dieu. Lorsqu'il eut fait retour dans la gloire de son Père, il commença d'une manière mystérieuse, à être plus présent par sa divinité, alors qu'il était plus éloigné quant à son humanité.
C'est alors que la foi mieux instruite se rapprocha, par une démarche spirituelle, du Fils égal au Père; elle n'avait plus besoin de toucher dans le Christ cette substance corporelle par laquelle il était inférieur au Père. Le corps glorifié gardait sa nature, mais la foi des croyants était appelée à toucher, non d'une main chamelle mais d'une intelligence spirituelle, le Fils unique égal à celui qui l'engendre.
Léon le Grand

lundi 4 février 2019

"Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ"

 "Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ"


Voilà la règle du christianisme dans toute sa perfection, voilà la définition la plus exacte, la cime la plus haute, rechercher l'intérêt de tous. Ce que l'apôtre déclare en ajoutant : "comme je le suis moi-même du Christ". En effet rien ne peut nous rendre des imitateurs du Christ comme notre zèle pour le bien du prochain. Vous aurez beau jeûner, coucher par terre, vous étrangler, si vous n'avez pas un regard pour votre prochain, vous n'avez rien fait de grand, et quoi que vous ayez pu faire, vous demeurez encore bien loin de ce modèle... c'est qu'il ne peut pas être de vertu parfaite, si l'on ne recherche pas l'utilité d'autrui ; et c'est ce qui résulte de l'histoire de celui qui rapporta le talent intact et fut livré au supplice, parce qu'il ne l'avait pas fait fructifier. Toi donc, mon frère, même si tu t'abstiens de nourriture, que tu couches par terre, que tu manges de la cendre et ne cesses de gémir, si tu es inutile au prochain, tu n'as rien fait de grand. C'était là en effet autrefois la première préoccupation des hommes grands et généreux. Considérez attentivement leur vie, et vous verrez clairement qu'aucun d'eux ne considérait son intérêt propre, que chacun d'eux au contraire ne voyait que l'intérêt du prochain : ce qui a rehaussé leur gloire.


St Jean Chrysostome  
Homélies sur la 1ère épître aux Corinthiens, 

dimanche 25 novembre 2018

Une Royauté d'amour...

" L’Évangile présente la royauté de Jésus au sommet de son œuvre de salut, et il le fait de manière surprenante. "Le Messie de Dieu, l’Élu, le Roi" apparaît sans pouvoir et sans gloire : il est sur la croix où il semble être plus vaincu que victorieux. Sa royauté est paradoxale : son trône c’est la croix ; sa couronne est d’épines, il n’a pas de sceptre mais un roseau lui est mis dans la main ; il ne porte pas d’habits somptueux mais il est privé de sa tunique ; il n’a pas d’anneaux étincelants aux doigts mais ses mains sont transpercées par les clous ; il n’a pas de trésor mais il est vendu pour trente pièces.
Vraiment le royaume de Jésus n’est pas de ce monde; mais en lui, nous dit l’Apôtre Paul nous trouvons la rédemption et le pardon. Car la grandeur de son règne n’est pas la puissance selon le monde mais l’amour de Dieu, un amour capable de rejoindre et de guérir toute chose. Par cet amour, le Christ s’est abaissé jusqu’à nous, il a habité notre misère humaine, il a éprouvé notre condition la plus misérable : l’injustice, la trahison, l’abandon; il a fait l’expérience de la mort, du tombeau, des enfers. De cette manière, notre Roi est allé jusqu’aux limites de l’univers pour embrasser et sauver tout être vivant. Il ne nous a pas condamnés, il ne nous a même pas conquis, il n’a jamais violé notre liberté mais il s’est fait chemin avec l’humble amour qui excuse tout, qui espère tout, qui supporte tout. Seul cet amour a vaincu et continue à vaincre nos grands adversaires : le péché, la mort, la peur.
"Aujourd’hui, chers frères et sœurs, nous proclamons cette singulière victoire par laquelle Jésus est devenu Roi des siècles, le Seigneur de l’histoire : par la seule toute puissance de l’amour qui est la nature de Dieu, sa vie même, et qui n’aura jamais de fin. Avec joie nous partageons la beauté d’avoir Jésus comme notre Roi : sa seigneurie d’amour transforme le péché en grâce, la mort en résurrection, la peur en confiance..."
Pape François
 Homélie de la solennité du Christ Roi,  clôture de l'Année de la Miséricorde (2016)

dimanche 28 octobre 2018

Jésus est Sauveur... Père E. Lafont

Frères et sœurs bien aimés,
La Parole de ce jour met trois leçons dans mon cœur
  • Ce que Dieu veut, c’est nous sauver !
  • N’aie pas peur de crier vers Jésus
  • Rappelle-toi que notre seule mission c’est « Proclamer que Jésus sauve » ! Ce que Dieu veut, c’est nous sauver !

Jérémie, nous venons de l’entendre, nous appelle à pousser des cris de joie et à implorer « Seigneur, sauve ton peuple ! » et il nous assure que Dieu est en train de répondre et de conduire son peuple vers les cours d’eau vive, car il est un Père pour nous et nous sommes ses enfants bien aimés.
Et voilà que l’Evangile atteste que Jésus accomplit précisément cela ! passant par Jéricho, il entend le cri de l’aveugle Bartimée. Prenant ses disciples à contre-pied, il exige qu’on fasse venir l’aveugle, lui demande ce qu’il souhaite, et le renvoie guéri en lui affirmant : va, ta foi t’a sauvé ». L’homme était en dehors de la course, sur le bord du chemin : Jésus le remet dans la vie et le mouvement, avec lui ! Jésus sauve !
Toi non plus, n’aie pas peur de crier vers Jésus !
Oui, j’ai envie de vous dire à toi qui m’écoutes, dans cette église ou grâce à la télévision :  si tu vas mal, si tu souffres, si tu es angoissé ou déprimé, donne-toi à Jésus ! accorde-lui ta confiance et parle-lui simplement, avec tes mots. Il est venu pour cela. Il s’arrêtera devant ta maison ou devant ton lit ! Tu me diras peut-être : « cela fait longtemps que je l’appelle, que je demande la guérison, mais je ne vois rien venir ! » Et je vais te répondre que c’est vrai, Jésus ne guérit pas toujours physiquement. Il n’est pas une carte vitale. si c’est sa volonté que tu l’accompagnes, toi, sur le chemin de croix par lequel il nous a obtenu le pardon et la paix, alors il touchera ton cœur, il apaisera ton esprit. Il t’accordera la paix.  Prie-le comme lui-même priait son Père : « si c’est possible, que ce calice s’éloigne de moi. Mais non pas ta volonté, mais la tienne ! »
 Proclamer que Jésus sauve, c’est notre seule mission
Octobre, c’est le mois de la Mission ! Notre offrande doit aider la mission universelle, mais nous tous, les disciples du Christ, nous avons à être des missionnaires joyeux de son pardon et de sa guérison, du salut et de la joie qu’il apporte. Et notre seul message doit être : « Jésus est le Sauveur, il m’a sauvé, donne-lui ton cœur ! ». La mission ne consiste pas d’abord à de faire rentrer les gens dans l’Eglise, mais à les conduire vers Jésus. Es-tu capable de dire de quoi Jésus t’a sauvé, en quoi il a changé ta vie ? Pierre pouvait le dire, Paul pouvait le dire, l’aveugle né pouvait le dire… mais moi, mais toi ?
Arrêtons de ressembler, au contraire, à ces gens qui suivaient Jésus, mais qui rabrouaient l’aveugle Bartimée pour le faire taire, sous prétexte de protéger le maître ! trop souvent, nous présentons une image de Jésus qui n’est pas celle de l’Evangile. Arrêtons d’apparaître comme des douaniers, rapides à juger les autres, lents à les accueillir et encore plus à les écouter ! Prêtons l’oreille au cri des pauvres, des malades, des pécheurs et des divorcés ! Qu’est-ce que c’est que cette Eglise où on reste les uns derrière les autres sans vraiment se donner à une vie fraternelle ? Que-ce que c’est que cette église où on sort de la messe l’air aussi triste qu’à l’arrivée, soucieux de ne pas même regarder ceux qui implorent, dehors, un sourire, un geste, et de temps en temps un piécette ?
Quoi ? tu peux prier Jésus, marcher à ses côtés et dire à un autre « Tais-toi ! ». Non, tu ne le peux pas ! Mais si un jour tu l’as fait, demande pardon à ton tour, et Dieu te sourira de nouveau.
Quoi ? Tu peux prier Jésus, aller à la messe tous les dimanches, mais tu ne peux pas dire en quoi ta vie est différente – plus confiante, plus chaleureuse, plus aimante – à cause de lui ? Saint Paul VI, canonisé il y a quinze jours, disait « Le monde contemporain préfère écouter les témoins que les maîtres. Et quand il écoute les maîtres, c’st parce que ce sont aussi des témoins ! » Demandons ensemble à l’aveugle Bartimée de nous aider à devenir de vrais témoins, et partant, des disciples missionnaires. Demandons à Notre Dame de pouvoir dire avec elle : « Le Seigneur a fait pour moi des merveilles, il m’a sauvé du mal et de la peur, saint est son nom !
Homélie du père Emmanuel Lafont

dimanche 23 septembre 2018

L'audace de l'humilité...

La vie et l’éducation d’un humain ne sont-elles pas remplies de contradictions ? Dans les premiers mois de notre existence, nous avons appris à marcher, et puis… on nous a invité à rester assis, à ne pas bouger ! Après nous avoir appris à parler, nos parents nous ont appris… à nous taire ! Que dire alors du paradoxe de l’évangile de ce jour ? « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous.» Faut-il donc se rabaisser pour grandir ?
Les disciples, en traversant la Galilée, discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand. Jésus les invite alors à sortir de cette spirale de la comparaison. Si quelqu’un cherche à s’accomplir, si quelqu’un cultive ce désir orgueilleux de ‘réussir sa vie’, qu’il prenne alors la seule voie qui n’amène pas de la comparaison, et donc inévitablement de la déception : c’est le chemin de l’humilité.
En ce sens, grandir selon l’évangile n’est en rien de l’abnégation ou de la dépréciation, comme cela a été si souvent mal compris. Humble est celui qui s’enracine en lui-même, dans son humanité et ses talents, mais qui place néanmoins son centre de gravité dans le cœur de l’autre, sans se comparer à lui. Celui qui prend ce chemin d’humilité a fait le deuil de la toute-puissance. Il met de la joie dans ce qu’il est, son histoire, et ne convoite pas ce qu’il n’a pas. Il ne regarde pas la reconnaissance comme un objectif à atteindre ou un critère de réussite, mais seulement comme la conséquence possible de ses actes. Humble est celui qui a la sagesse de conjuguer sa vie au présent. Il ne l’espère pas plus épanouie dans un futur simplifié, ne la regrette dans un passé décomposé. Voilà pourquoi, seule une personne vraiment humble peut vivre pleinement sa propre vie, telle qu’elle est. Elle résiste ainsi à toutes les petites blessures narcissiques du quotidien car elle n’a pas besoin de sa ration quotidienne de reconnaissance. En ce sens, humble est celui qui sait rire de lui-même. Il a l’audace de ne pas trop se prendre au sérieux, mais de recevoir sa vie simplement, telle qu’elle lui est donnée. Dans son cœur pacifié, il n’y a pas d’écart entre ce qu’il est et ce qu’il veut être. Il est libre face à cette recherche effrénée de l’accomplissement personnel.
En s’acceptant lui-même, il accueille Celui dont il reçoit l’être et la vie. Humble est celui qui se sait aimé de Dieu, élevé par Lui. C’est pourquoi il est capable grandir, de se laisser éduquer, d’accueillir ce qui le dépasse : la sagesse de Dieu venue d’en-haut, avec ses dons les meilleurs.
L’humilité est donc une bien curieuse qualité qu’on ne peut jamais s’attribuer à soi-même. Pour le dire autrement, elle est ce principe de vie, cet horizon qui refuse toute logique de comparaison, et donc de convoitise. « D’où viennent les conflits ? N’est-ce pas de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes » nous dit Jacques dans sa lettre. Et il ajoute, comme pour nous fournir la clé pour sortir de cette impasse de la comparaison : « Vous êtes pleins de convoitises. Et vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas » ! Voilà donc l’invitation toute simple que je nous propose d’accueillir en ce jour : la vraie grandeur de l’homme passe par cette capacité à demander, comme des petits enfants. Demander, c’est finalement faire preuve d’humilité, en reconnaissant son manque, comme un enfant.
Dans la culture juive de l’époque, un enfant n’a presque pas d’existence. Il est celui qu’on ne voit pas. Il est bien loin de l’enfant-roi de nos sociétés occidentales, qui attire tous les regards. Cependant, la caractéristique de tout enfant, quel qu’il soit, est de demander. Un enfant sait qu’il est petit, qu’il a tout à apprendre, à recevoir. Mais il demande. Il n’est qu’attente de relation. Trop souvent, nous avons peur de demander, par fausse humilité, parce que nous craignons un refus, ou parce que notre ego a peur d’être redevable. Et pourtant, en demandant la sagesse venue d’en haut, comme des enfants qui ont tout à recevoir, on en ressort toujours élevé, grandi.
Alors, ne cherchons pas la reconnaissance, mais accueillons cette grâce de l’humilité. Ayons cette audace de demander comme des enfants, —avec ardeur et persévérance— les dons les plus hauts pour nous-même, comme pour les autres. Alors, notre vie s’épanouira en joie. Amen.
Fr. Didier Croonenberghs, dominicain
Père Mina

dimanche 16 septembre 2018

Aux dires des gens, qui suis-je ?

Don Bosco
« Aux dires des gens, qui suis-je ? » Voici que Marc nous présente Jésus en train d’effectuer ce que nous qualifierions aujourd’hui d’enquête d’opinion. Comme les instituts de sondage n’existaient pas à cette époque, il interroge directement ses disciples. A l’instar des politiciens de tout bord, serait-il devenu soucieux de son image ? Je ne le pense pas, car l’Evangile nous le montre constamment en train de se dérober à l’admiration des hommes, lorsqu’ils veulent le faire roi. Il ne cherche pas à vérifier sa popularité, mais plutôt à savoir si les hommes ont compris le message qu’il est venu apporter au monde.
« Aux dires des gens, qui suis-je ? » Les avis sont partagés. Les uns le prennent pour Jean le Baptiste, d’autres pour Elie ou bien l’un des prophètes… dans tous les cas, un homme d’autrefois revenu à la vie. Ce qui caractérise ces réponses, c’est qu’elles cherchent à expliquer Jésus par le passé. On ne lui reconnaît pas une identité propre. On n’envisage pas un avenir qui pourrait être neuf.
Alors Jésus interroge ses disciples. « Pour vous, qui suis-je ? »  Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Christ. » Apparemment, tout est dit ; il n’y a plus rien à ajouter. Et pourtant sa réponse n’est-elle pas dangereuse, puisqu’aussitôt Jésus défend vivement de la répéter à quiconque ?
Confesser, en effet, Jésus comme Christ, c’est risquer de reprendre à son compte l’attente d’un Messie qui rétablirait la puissance d’Israël.
Jésus ne veut pas rentrer dans une telle étiquette. Sa façon de décliner son identité consiste à annoncer à ses amis sa passion, sa mise à mort et sa résurrection.
Jésus est le Messie, mais d’une autre façon, en présentant, comme le dit Isaïe, son dos à ceux qui le frapperont. Entre la réponse forte de Pierre et la véritable identité de Jésus, il y a la distance du chemin de croix. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi la sauvera. » C’est lorsque l’homme vit sa vie non pas dans le registre de l’avoir, mais dans celui du don, qu’il découvre alors le chemin du vrai bonheur.
« Pour toi, qui suis-je ? » Vingt siècles après, la question, ce matin, t’est à nouveau posée directement. Méfie-toi des réponses rapides… des formules toutes faites.
L’important est de savoir si, pour toi, Jésus est un homme du passé, ou bien s’il est un être du présent, ressuscité et vivant parmi nous, sous les traits des plus petits de notre société, puisqu’il ne cesse de nous dire
« Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites. »
Et nous découvrons alors, avec Saint Jacques, que si notre foi n’est pas mise en œuvre, elle meurt.
Voici 150 ans, un prêtre de l'Orne, l’abbé Vauloup a vibré à la détresse des orphelins, qui comptaient alors parmi les plus petits de la société rurale. Il entendait dans leurs cris l’appel du Seigneur. Alors, avec l’aide de laïcs, il fonda cet orphelinat de Giel, repris ensuite par les salésiens de Don Bosco, appelés par leur fondateur à reconnaître dans chaque enfant le visage du Christ. Ils sont donc invités à poser sur chacun un regard de confiance, d’espérance et d’amour. C’est ce regard qui a conduit tant d’enfants de cette maison à poser des actes héroïques durant l’été 44, dans cette campagne alors placée sous un déluge de feu. C’est ce regard qui continue de permettre aux jeunes accueillis dans cette école de se préparer à devenir de véritables acteurs de ce monde rural aujourd’hui en pleine transformation.
« Pour vous, qui suis-je ? » N’allons pas chercher à élaborer je ne sais quelle réponse abstraite … Ouvrons les yeux … et continuons de le découvrir présent au milieu des enfants qui grandissent…
P. Jean-Marie Petitclerc, vicaire provincial des salésiens de Don-Bosco
(Chapelle de l’établissement scolaire Giel-Don-Bosco, Orne)

vendredi 15 juin 2018

Un Dieu qui fuit ?



"Après la mort d’Hérode, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte
Et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et pars pour le pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. »
Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et il entra dans le pays d’Israël.
Mais, apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée
et vint habiter dans une ville appelée Nazareth, pour que soit accomplie la parole dite par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen." (Matthieu 2, 19-23)

Dieu dans sa fuite…

Tel père tel fils ? La violence de l’un se perpétue dans la violence de l’autre. C’est souvent ainsi dans les successions des tyrans. Un nouvel Hérode règne sur la Judée et cela fait craindre à Joseph les mêmes horreurs que celles commises par son père. Il faut donc se mettre à l’abri. Il y a un motif qui doit nous interroger ici. C’est celui de la fuite. C’est la deuxième fois que le Messie, le Sauveur, qui plus est Fils du Dieu tout-puissant, prend la tangente. Son Père ne peut-il affronter le danger, envoyer ses anges* et défaire l’ennemi, plutôt que de le fuir ?
Dans nos sociétés, le courage est extrêmement valorisé. Nous avons le culte des héros qui vont à la guerre pleins de bravoure et qui dépassent leur peur pour faire « gagner le bien ». Mais Dieu choisit un autre chemin. Celui de l’évitement.
Ce n’est pas lâcheté, pourtant. Mais se battre, blesser, faire mourir ses adversaires, c’est toujours faire mal. Et Dieu ne peut avoir aucune part au mal. En Dieu, il n’y a pas de légitime défense, et c’est d’ailleurs ce qui expliquera, à l’autre bout de la vie de Jésus, le scandale de la croix. Au cours de son procès, Jésus se tait, il ne se rebelle pas, il ne répondra pas au mal qui le frappe, il ne participera pas à la violence.
Certains voudraient nous faire croire que Dieu est dans les croisades, dans les combats, ce sont des menteurs. Dieu passe son chemin, il fait un écart, il ne veut blesser personne. Jésus l’enseignera tout au long de sa prédication : les ennemis sont faits pour qu’on les aime.
*Évangile de St Matthieu ch 26, v 53.
Frère Jocelyn Dorvault
Couvent du Caire



dimanche 8 avril 2018

Apparition à Thomas...

"Apparition à Thomas", M. Chmakoff




"Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas"…



"Porte ton doigt ici : voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant."







L'attouchement comme forme d'expérience : En commentant l'histoire de Thomas, saint Cyrille d'Alexandrie qui a témoigné d'une pénétration profonde de l'esprit du Quatrième Évangile, pensait à l'attouchement qui s'effectue dans « l'Eulogie » et qui est rendu possible par le don du Saint-Esprit. 

L'Eulogie est le terme que saint Cyrille emploie pour désigner l'Eucharistie. Par conséquent, c'est l'Eucharistie qu'il interprète comme un attouchement du Seigneur, en la rapprochant de l'expérience de Thomas.

Nous retrouvons ce rapprochement dans la vie liturgique de l'Église orthodoxe. Dans les prières qui sont récitées par les croyants quand ils s'approchent de la Communion, il est dit : 
« ... Étant herbe, je communie au feu et, ô terrible miracle, je suis arrosé sans être brûlé, de même qu'anciennement le Buisson Ardent était enflammé sans être brûlé » (saint Siméon le Nouveau Théologien). 

Or, dans l'Office dédié à la mémoire de saint Thomas, l'Église chante : « Ô nouveau miracle, ô glorieuse image, comment se fait-il que la main de l'apôtre n'avait pas été brûlée comme l'herbe par le feu de la Divinité ? »
 P. Georges Leroy

dimanche 11 mars 2018

Que le peuple de Dieu soit donc saint...


Le Seigneur a dit : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (Mt 9,13). Il n'est donc permis à aucun chrétien de haïr qui que ce soit, car personne n'est sauvé autrement que grâce au pardon des péchés... Que le peuple de Dieu soit donc saint, et qu'il soit bon : saint pour se détourner de ce qui est défendu, bon pour accomplir ce qui est commandé. C'est une grande chose, certes, d'avoir une foi droite et une doctrine sainte ; il est très louable de réprimer la gloutonnerie, d'avoir une douceur et une chasteté irréprochable, mais toutes ces vertus ne sont rien sans la charité...
Mes bien-aimés, tous les temps conviennent pour réaliser ce bien de la charité, mais le carême nous y invite plus spécialement. Ceux qui désirent accueillir la Pâque du Seigneur avec la sainteté de l'esprit et du corps doivent s'efforcer avant tout d'acquérir ce don qui contient l'essentiel des vertus et qui « couvre la multitude des péchés » (1P 4,8). C'est pourquoi, au moment de célébrer le mystère qui surpasse tous les autres, celui par lequel le sang de Jésus Christ a effacé nos fautes, préparons en premier lieu les sacrifices de la miséricorde. Ce que la bonté de Dieu nous a accordé, accordons-le à ceux qui ont péché contre nous. Que les injustices soient jetées dans l'oubli, que les fautes n'entraînent pas le châtiment, et que tous ceux qui nous ont offensés ne craignent plus d'être payés de retour...
Chacun doit bien savoir qu'il est lui même pécheur et, pour recevoir lui-même le pardon, il doit se réjouir d'avoir trouvé quelqu'un à qui pardonner. Ainsi, lorsque nous dirons, selon l'enseignement du Seigneur : « Pardonne-nous nos offenses comme nous avons nous-mêmes pardonné à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6,12), nous pouvons être sûrs que nous obtiendrons la miséricorde de Dieu.

Saint Léon le Grand

vendredi 2 février 2018

Siméon... "Celui qui accueille Dieu"

Fra Angelico : Présentation de Jésus au Temple, détail
Nous savons que le parcours dramatique de Job a abouti à une étonnante profession de foi : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu »  Simon atteint le même but lorsqu’il rencontre Jésus au temple et qu’il s’exclame : « mes yeux ont vu ton salut » (Lc 2, 30). Le passage se transforme donc dans l’histoire d’une attente et d’une rencontre surprenante […].
Siméon, comme la figure successive d’Anne, appartient au peuple des anawim, les « pauvres du Seigneur » ; en fait, il est décrit comme « juste et pieux ». Sa caractéristique fondamentale est donc sa foi profonde, sa confiance, son abandon à Dieu. Il est semblable à Joseph d’Arimathie qui est décrit comme « un homme droit et juste »  et qui accueillera entre ses bras le corps mort du Christ. Siméon, lui, prend dans ses bras l’enfant Jésus et l’art des icones le représentera comme le Theodòchos, « celui qui accueille Dieu ». Siméon est aussi l’homme de l’attente, un peu comme tous les personnages de l’évangile de l’enfance : « il attendait la consolation d’Israël »  comme tous les fidèles du Seigneur qui attendaient la délivrance de Jérusalem. On dit aussi de Joseph d’Arimathie qu’il « attendait le Royaume de Dieu » (Lc 23, 50).
[…] Homme « pauvre », homme de l’attente, homme de l’Esprit : c’est en raison de ces dons que Siméon est aussi prophète au sens biblique de connaisseur du mystère de Dieu et révélateur de sa parole. Sa prophétie s’exprime dans un cantique et dans un double oracle. Le cantique est le Nunc dimittis, un hymne très bref, presque jaculatoire, non pas de résignation mais de confiance, prononcé par un homme qui sent arrivé pour lui un déclin qui préludera à une aube à venir et il n’a donc pas peur. C’est pour cette grâce sereine et apaisée que depuis le Vème siècle le psaume de Siméon est devenu la prière du soir, le cantique des Complies. Et même, certains sont allés jusqu’à faire l’hypothèse que c’était le chant funèbre pour un fidèle juste, proclamé par l’assemblée chrétienne dans l’esprit du patriarche Jacob : « Pour lors, je puis mourir, après que j’ai vu ton visage » (Gn 46, 30). […].
Mais le cantique de Siméon n’est pas un adieu mélancolique parce que la charge confiée est désormais conclue, c’est au contraire une salutation joyeuse à la Parole de Dieu qui s’accomplit maintenant. Ses sentiments sont ceux de la béatitude de Luc : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! ». Un chant de foi et d’espérance, certes, non pas un rêve mélancolique et c’est cela le sens de l’existence chrétienne.
[…] Le Nunc dimittis est aussi le chant du salut universel. Dans des phrases telles « salut que tu as préparé à la face de tous les peuples », se concentre tout le cheminement de l’Ancien Testament qui, à partir de l’élection d’Israël, est parvenu à pressentir l’alliance universelle pour laquelle à Jérusalem tous les peuples pourraient se retrouver comme citoyens : « Tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu ». A son serviteur messianique, le Seigneur dit : « Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » . « Alors la gloire du Seigneur se révélera et toute chair, d’un coup, la verra ». « Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu », « Des nations nombreuses s’attacheront au Seigneur en ce jour-là : elles seront pour lui un peuple » .


Fra Angelico, "Présentation de Jésus au Temple"
[…] Siméon prononce ensuite un double oracle qui est presque la partie obscure du cantique de salut du Nunc dimittis. Salut et jugement, acceptation et refus, foi et incrédulité sont quasiment un diptyque qui assume les multiples événements de l’histoire. Le Christ est le lien de ce diptyque parce que le choix se porte sur lui. La première prophétie de Siméon est un oracle de « division » : « cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction, afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs ». Un jour Jésus dira : « Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien la division. Désormais en effet, dans une maison de cinq personnes, on sera divisé, trois contre deux et deux contre trois :on sera divisé, père contre fils et fils contre père, mère contre sa fille et fille contre sa mère » (Lc 12, 53). L’oracle de Siméon hérite du symbolisme de la pierre d’achoppement et de la pierre angulaire appliquée, dans l’Ancien Testament, à Dieu lui-même : « il sera… un rocher qui fait tomber, une pierre d’achoppement pour les deux maisons d’Israël »; « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle »...
Gianfranco Rivasi

dimanche 24 décembre 2017

Homélie pour la naissance du Sauveur St Basile le Grd

Dieu sur terre, Dieu parmi les hommes ! Ce n'est plus celui qui donne sa loi au milieu des éclairs, au son de la trompette sur la montagne fumante, au sein de l'obscurité d'un orage terrifiant, mais celui qui s'entretient avec douceur et bonté dans un corps humain avec ses frères de race. Dieu dans la chair ! Ce n'est plus celui qui n'agit que par moments, comme chez les prophètes, mais celui qui assume pleinement la nature humaine et, par sa chair qui est celle de notre race, élève à lui toute l'humanité.
Comment donc, diras-tu, la lumière est-elle venue en tous par un seul ? De quelle manière la divinité est dans la chair ? Comme le feu dans le fer : non pas en se déplaçant, mais en se communiquant. Le feu en effet ne s'élance pas vers le fer, mais demeurant à sa place, il lui communique sa propre force. En cela il n'est nullement diminué mais il remplit entièrement le fer auquel il se communique. De la même manière, Dieu, le Verbe, qui a demeuré parmi nous (Jn 1,14), n'est pas sorti hors de lui-même ; le Verbe qui s'est fait chair ne fut pas soumis au changement ; le ciel ne fut pas privé de celui qui le contenait et la terre accueillit en son propre sein celui qui est dans les cieux...

Pénètre-toi de ce mystère : Dieu est venu dans la chair afin de tuer la mort qui s'y cache. De même en effet que les remèdes et les médicaments triomphent des facteurs de corruption lorsqu'ils sont assimilés par le corps, et de même que l'obscurité qui règne dans une maison est dissipée par l'entrée de la lumière, ainsi la mort qui tenait en son pouvoir la nature humaine fut anéantie par l'avènement de la divinité. De même que dans l'eau la glace l'emporte sur l'élément liquide tant qu'il fait nuit et que s'étend l'obscurité, mais se dissout quand vient le soleil, sous la chaleur de ses rayons : ainsi la mort a régné jusqu'à l'avènement du Christ, mais lorsqu'apparut la grâce salvatrice de Dieu et que s'est levé le Soleil de justice, la mort fut engloutie en cette victoire (cf 1 Cor. 15,54), n'ayant pu supporter le séjour de la vraie vie. O profondeur de la bonté de Dieu et de son amour pour les hommes ! (cf. Rom. 11,33 ; Tite 3,4)...

Rendons gloire avec les bergers, dansons en choeur avec les anges, car un sauveur est né aujourd'hui, qui est le Christ Seigneur (Lc 2,11). Il est le Seigneur qui nous est apparu, non dans sa condition divine, afin de ne pas épouvanter notre faiblesse, mais dans la condition d'un esclave (cf. Phil. 2,6-7), afin de libérer ce qui était réduit en servitude. Qui aurait le coeur assez lâche et ingrat pour ne pas se réjouir et exulter d'allégresse devant ce qui nous arrive ? C'est une fête commune à toute la création... Nous aussi, crions notre joie ; donnons à notre fête le nom de théophanie. Fêtons le salut du monde, le jour de la naissance de l'humanité. Aujourd'hui la condamnation d'Adam est levée. On ne dira plus : Tu es terre et tu retourneras à la terre (Gen. 3,19), mais : "Uni à celui qui est dans les cieux, tu seras élevé au ciel ".
 St Basile

mardi 12 décembre 2017

St Macaire le Grand : par la prière, veiller dans l’attente de Dieu...

Il ne faut pour prier ni gestes, ni cris, ni silence, ni agenouillements. Notre prière, à la fois sage et fervente, doit être attente de Dieu, jusqu’à ce que Dieu vienne et visite notre âme par toutes ses voies d’accès, tous ses sentiers, tous ses sens. Trêve de nos silences, de nos gémissements et de nos sanglots : ne cherchons dans la prière que l’étreinte de Dieu.
 Dans le travail, n’employons-nous pas tout notre corps à l’effort ? Tous nos membres n’y collaborent-ils pas ? Que notre âme elle aussi se consacre tout entière à sa prière et à l’amour du Seigneur ; qu’elle ne se laisse pas distraire ni tirailler par ses pensées ; qu’elle se fasse pleine attente du Christ. Alors le Christ l’illuminera, il lui enseignera la prière véritable, il lui donnera la supplique pure et spirituelle qui est selon Dieu, l’adoration « en esprit et en vérité » (Jn 4,24).
 Celui qui exerce un commerce ne cherche pas simplement à réaliser un gain. Il s’efforce aussi par tous les moyens de le grossir et de l’accroître. Il entreprend de nouveaux voyages et renonce à ceux qui lui semblent sans profit ; il ne part qu’avec l’espérance d’une affaire. Comme lui, sachons conduire notre âme sur les voies les plus diverses et les plus opportunes, et nous acquerrons, ô gain suprême et véritable, ce Dieu qui nous apprend à prier dans la vérité.
 Le Seigneur se pose dans une âme fervente, il en fait son trône de gloire, il s’y assied et y demeure.
Saint Macaire le Grand (IVe siècle)

Homélies spirituelles, n° 33

dimanche 26 novembre 2017

Quel Royauté ?

Bourdichon 
Longtemps, la plupart des chrétiens ont confondu le règne du Christ, le Royaume dont parlent les évangiles, avec l'extension planétaire du christianisme. Soumission de tous les hommes à l'emprise de la religion. Cela passait par la religion d'État, les pouvoirs civils n'étant que le « bras séculier » de l'autorité ecclésiastique. L'Histoire nous a obligés à revoir cela et à nous demander ce que pouvait bien signifier le thème de la Royauté universelle du Christ. On s'est alors souvenu que Jésus avait dit à Pilate que sa royauté n'était pas de ce monde, qu'il avait refusé de régler les questions d'héritage et prescrit de rendre à César ce qui était à César. On en est venu à penser que la royauté du Christ s'exerce sur les consciences : ceux qui croient en lui adoptent la Loi d'amour qu'il est venu proposer au monde. Jésus répète que personne ne peut venir à lui s'il n'est attiré par le Père. Toujours à Pilate, il dit: «Quiconque est de la vérité écoute ma voix.» C'est l'attraction, l'attrait, de ce qui nous fait vraiment hommes qui fonde le pouvoir du Christ sur nous : l'appel à être qui vient de la création. C'est par un choix libre que chacun le place au-dessus de tout. Fort bien! Mais la foi religieuse peut-elle se réduire à la sphère du privé pris au sens d'individuel? Parce que la Loi du Royaume est l'amour, cela dépasse la conscience individuelle pour passer dans le domaine de la relation, où nous rencontrons le social, l'économique, le politique.
Sur qui s'exerce ce pouvoir ?
Paul répète que le Christ s'est élevé au-dessus de toute «puissance, domination, principautés». On le sait, il désigne par ces termes non seulement les pouvoirs humains mais aussi les puissances astrales, les «armées célestes», c'est-à-dire les lois de la nature. Tout ce qui pèse sur notre liberté et l'entrave. La Royauté du Christ, la soumission à la vérité sont libération. «La vérité vous rendra libres.» Et la vérité, l'homme totalement vrai et parachevé, c'est lui. Il prend le pouvoir sur «tout ce qui nous est contraire». Non que ces « contraires » et contraintes disparaissent de nos vies mais, comme la Croix représentative de tout mal, ils sont asservis à produire leur contraire : la liberté et la vie. Le «monde» nous en veut d'étaler aux yeux de tous cette vérité que l'on préfère ne pas voir. Les disciples du Christ, quand ils le suivent vraiment, sont intolérables à tous ceux qui ont le culte de la puissance, de l'excellence, de l'argent, de la domination. D'une certaine façon, nous sommes la mauvaise conscience du monde dans ses pratiques perverses. Comment ne pas haïr ceux qui prétendent que le plus grand est celui qui sert, que le roi prend la place de l'esclave ; et que c'est par cet abaissement qu'il devient «le Seigneur» (Philippiens 2,5-11)? Tel est le roi que nous célébrons aujourd'hui. Les maîtres de ce monde doivent lui être soumis, c'est-à-dire exercer leur fonction comme un service. Sinon ils ne sont rien.
Où trouver le Roi ?
Il faudrait parler du roi berger, ce chef du troupeau qui est au service de la vie de ses brebis. Du roi juge, pour dire qu'en réalité c'est nous qui nous jugeons et déjugeons quand nous rompons le lien de l'amour. Il faudrait aussi parler du temps de l'instauration du Royaume, pour souligner qu'il n'est ni dans un temps ni dans un espace particuliers mais qu'il les surplombe et les pénètre à travers ceux qui l'accueillent ici et maintenant : «Le Royaume de Dieu est parmi vous» ou «au milieu de vous». Dès que quelque part un être humain se met d'une façon ou d'une autre au service de ses frères, donc dès qu'il se laisse gouverner par l'amour, le Royaume est là. Même s'il n'a pas reçu le Baptême, même s'il n'a jamais entendu parler du Christ, il est enfant de Dieu, fils du Roi. C'est bien ce que nous dit l'évangile du jour: quand tout ce qui est caché viendra au grand jour, ces hommes et ces femmes découvriront dans l'émerveillement d'une joie indicible qu'ils s'étaient mis au service de celui par lequel existe tout ce qui existe. Quant à nous qui avons reçu l'Évangile, nous sommes le peuple des témoins de cette grandiose œuvre de Dieu. Ayant lu ou entendu Matthieu 25, nous savons, nous, que le plus grand prend le visage du plus petit, et même du plus minable. Tous nos frères, même «les publicains et les pécheurs», sont épiphanie, révélation, du visage de Dieu. Effigie royale.
Père Marcel Domergue, sj


L’attendons-nous ?



[...]   Nous savons que le Christ doit revenir. Mais l’attendons-nous ? Ou, mieux, qu’attendons-nous de Lui ? Qu’il résolve nos problèmes, arrange nos petits et grands tracas ?
Il est vrai que l’attente d’un hypothétique retour du Christ, sans cesse remis à plus tard, s’est essoufflée, au point qu’il nous arrive peut-être de douter qu’Il revienne jamais… Mais peut-être nous trompons-nous quant à son retour. C’est justement ce que nous apprend la parabole de ce dimanche : le Christ ne cesse de venir, il ne cesse de venir jusqu’à nous, certes de manière incognito, mais pourtant tout à fait reconnaissable puisqu’il vient à nous sous la figure de l’homme et de la femme en détresse. Et il nous indique que la juste manière, non seulement de l’attendre, mais aussi de le rencontrer, consiste à faire miséricorde à ceux qui ont en besoin.

C’est ainsi que la parabole nous détourne de l’attente vaine d’un messie ou d’un sauveur ; le Christ est venu il y a deux mille ans pour nous apprendre qu’il ne cesse de venir en s’identifiant à celles et ceux qui manquent de nourriture, d’attention et d’amour. Il est de coutume de dire que le Christ reviendra à la fin des temps ; mais cette conception est naïve et, pour tout dire, assez fausse… Le Christ est précisément venu pour changer la qualité du temps, pour transformer notre attente en présence à l’autre qui souffre. Le temps du Christ, c’est le temps offert pour nous rendre attentifs à nos frères et soeurs. Ne perd son temps que celui qui le gaspille tout en se préoccupant uniquement de lui-même. Certes, ce temps nouveau de la gratuité échappe à nos logiques marchandes, économiques, à la fatalité du « time is money » ; la rentabilité qui est maintenant exigée de tous n’a rien à voir avec la fécondité du temps ouvert à la rencontre. L’évangile se moque de la rentabilité ; il demande : toute cette fatigue… pour quoi ? Pour quoi faire ? Pour être qui ?

Ce que je n’ai pas le temps de faire, c’est souvent une occasion manquée, doublement faut-il préciser : on perd et le frère et Celui qui s’identifie avec lui : le Christ.

Il est temps, si j’ose dire, de remettre les pendules à l’heure !

La parabole de ce dimanche est à entendre comme le testament du Christ : il nous dit quoi faire pour être contemporains de sa venue maintenant. Il nous ne demande pas de l’attendre mais de le recevoir dans la personne de celui qui souffre. Ou, s’il convient de désirer la venue du Christ, son attente n’est pas autre chose que notre vigilance à le rencontrer tous les jours, lorsque nous acceptons de fendre la cuirasse de notre égoïsme. Il faut donc le dire avec force : il n’y a pas d’autre venue du Christ à espérer que celle-là, quotidienne, en quelque sorte ordinaire…

Cela signifie encore qu’il faille nous méfier de ce que nous appelons la spiritualité. On entend dire qu’il a un retour du spirituel. Soit, mais qu’est-ce qu’une spiritualité qui confinerait au repliement sur soi ? Alors que tout l’évangile nous enjoint à prendre soin de l’autre… Ceux qui disent : « Quand t’avons-nous vu malade, en prison… ? » n’étaient pas des êtres durs, mais des personnes pieuses et vertueuses qui pensaient que Dieu s’identifie avec ceux qui font ce qui est juste alors que le Christ nous révèle que Dieu s’identifie à ceux qui ont besoin de miséricorde…

Je termine alors par une autre histoire qui nous a été transmise par un saint belge, et oui, ça existe !, le bienheureux Jean Ruysbroeck l’Admirable : « Quand tu serais en extase au 7e ciel, si un malade te demande une tasse de bouillon, descends vite du 7e ciel et donne-le lui. Car le Dieu que tu trouves dans le malade est plus sûr que le Dieu que tu viens de quitter dans la prière. »


Alors, aujourd’hui, c’est le Christ qui nous demande : qu’attendez-vous pour me rencontrer ?
Fr. Dominique Collin
Homélie de la messe du 26 novembre 2017 à Malèves-Sainte-Marie

dimanche 12 novembre 2017

Les dix vierges...

Nous méditons en ce dimanche sur la parabole des dix vierges. Jésus propose ce récit afin de nous faire percevoir la réalité du Royaume des cieux présent au milieu de nous. Voyons ce qu’il nous enseigne.
Tout d’abord, il est dit que les dix vierges prennent leur lampe mais seulement cinq d’entre elles emportent aussi de l’huile en réserve. Pour être porteur de lumière au jour de la venue du Messie, il est donc nécessaire d’avoir une lampe et de l’huile en quantité suffisante. Porter haut cette lumière dans notre société, c’est, bien sûr, répondre à l’invitation que nous fait le Seigneur : « Vous êtes la lumière du monde (…) Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5,14-15). L’image que prend Jésus dans cette parabole nous révèle la profondeur du mystère du don de Dieu. La lampe est donnée sans mérite aux vierges. Elle représente la grâce que le Seigneur accorde gratuitement le jour de notre baptême. Nous ne la méritons pas, mais le Seigneur nous la donne. L’huile, c’est la réponse que nous apportons librement à ce don de Dieu. Le Seigneur a sauvé tous les hommes sur la Croix, mais faut-il encore que les hommes accueillent ce salut. Accueillir le Salut, c’est préparer notre huile. Ce qui est premier c’est donc la lampe, c’est-à-dire la grâce que Dieu nous fait. Et ce don est fait à tous, aux vierges folles comme aux vierges sages. Mais pour briller, nous devons aussi répondre à cet appel, nous investir, c’est à dire apporter notre huile.
Il est dit ensuite que l’époux arrive au milieu de la nuit : « Un cri se fait entendre : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre » (Mt 25,6). Toutes les vierges, les sages comme les folles, se sont endormies. La venue du Christ a lieu alors que plus personne ne l’attend. Jésus dira par ailleurs : « Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître » (Mt 24,42). Cette parabole résonne donc comme un appel à la vigilance. Ce qui est plus surprenant, c’est de voir les vierges sages s’endormir aussi. Ne devraient-elles pas demeurer éveillées dans l’attente de l’époux ? Cette particularité de la parabole nous montre que tous les hommes ont besoin de la Miséricorde de Dieu. Nul n’est parfait. Ce qui est important, c’est de donner notre bonne volonté au Seigneur, tout comme les vierges sages ont pris de l’huile en réserve. Le reste appartient à l’Amour Miséricordieux de Jésus.
Enfin, vient peut-être le passage le plus étonnant de ce récit. Les vierges sages refusent de partager leur huile. Comment comprendre cela ? Tout simplement par le fait que nous ne pouvons répondre à la place des autres. Nous pouvons bien sûr prier et intercéder pour eux, mais nous ne pouvons pas choisir à leur place. C’est aussi une dure réalité de notre vie. Combien nous aimerions que tous nos proches, nos amis découvrent l’Amour de Dieu. Mais chacun est libre de sa réponse. Il nous revient juste d’être témoins de cette folie de Dieu pour les hommes.
En ce jour, nous sommes appelés à prendre de nouveau conscience du don que Dieu nous fait en nous donnant une lampe. Nous sommes aussi appelés à renouveler notre oui à Jésus afin que nous ayons toujours de l’huile en réserve pour le jour où nous le rencontrerons.  
Père Pascal Montavit