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mercredi 9 août 2017

Théophane le Grec, transfiguration
Que signifie : « il fut transfiguré » ? demande le théologien saint Jean Chrysostome. Il laissa entrevoir, comme il le jugea bon, un peu de sa divinité et il montra aux initiés Dieu habitant en lui. En effet, « tandis qu’il priait, son aspect devint différent », comme dit Luc, « brillant comme le soleil », comme l’écrit Matthieu. Il dit : « comme le soleil », non pour que quelqu’un imagine que cette lumière soit sensible, (loin de nous l’aveuglement d’esprit de ceux qui ne peuvent rien imaginer  de plus élevé que ce qui apparaît aux sens !) mais pour que nous comprenions ceci : ce qu’est le soleil pour ceux qui vivent selon les sens et qui voient par les sens, cela, le Christ l’est en tant que Dieu pour ceux qui vivent selon l’Esprit et voient dans l’Esprit. Et il n’est pas besoin, pour ceux qui sont semblables à Dieu, d’une autre lumière dans la vision divine ; car pour ceux qui sont dans l’éternité, Il est lui-même lumière, Lui, et non une autre lumière. Quel besoin y aurait-il en effet d’une seconde lumière pour ceux qui ont la plus élevée ?
Or « tandis qu’il priait, il resplendit ainsi » et révéla cette lumière mystérieuse à ceux des disciples qu’il avait choisis, en présence des prophètes les plus éminents, afin de montrer que c’est la prière qui procure cette bienheureuse contemplation, et pour que nous apprenions que c’est en étant proche de Dieu par la vertu et uni avec lui par l’Esprit que l’on obtient la manifestation de cet éclat. Celui-ci s’offre aux regards de tous ceux qui tendent sans cesse vers Dieu, grâce à l’exacte pratique des bonnes œuvres et à une prière sincère. « Seul, dit en effet saint Jean Chrysostome, celui dont l’esprit a été purifié peut contempler la beauté véritable et très désirable, celle qui entoure la divine et bienheureuse nature ». Celui qui fixe du regard ses rayons et ses grâces participe à elle dans une certaine mesure, en se servant de son brillant éclat pour la contempler elle-même…
C’est pourquoi le visage de Moïse fut aussi glorifié tandis qu’il s’entretenait avec Dieu. […….]

Notre Seigneur Jésus-Christ avait en lui-même cette splendeur ; c’est pourquoi il n’avait pas lui-même besoin de prier pour faire resplendir son corps de la lumière divine, mais il indique par quel moyen serait offerte aux saints la splendeur de Dieu et comment ils la verraient. En effet, « les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père »... 

Grégoire Palamas "Homélie sur la Transfiguration du Seigneur"




dimanche 9 juillet 2017

Quel pouvoir a l'humilité !

… Ecoutez ce que dit Notre Seigneur lui-même : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Mt 29) Voici que brièvement, d’une seule parole, il nous montre la racine de tous les maux avec son remède, source de tous les biens ; il nous montre que c’est l’élèvement qui nous a fait tomber, et qu’il est impossible d’obtenir miséricorde sinon par la disposition contraire, qui est humilité. De fait l’élèvement engendre le mépris et la funeste désobéissance, tandis que l’humilité produit l’obéissance et le salut des âmes, j’entends l’humilité véritable, non pas un abaissement tout en paroles et en attitudes, mais une disposition vraiment humble, dans l’intime du cœur et de l’esprit. C’est pourquoi le Seigneur dit : « que je suis doux et humble de cœur ».
Que celui qui veut trouver le vrai repos pour son âme apprenne donc l’humilité ! Puisse-t-il voir qu’en elle se trouvent toute la joie, toute la gloire et tout le repos, comme dans l’orgueil se trouve tout l’opposé !
[…] Oh mes frères, que ne fait pas l’orgueil ? Oh ! Quel pouvoir possède l’humilité ! ...

Doctrine spirituelle de Dorothée (Gaza, VIème siècle)

dimanche 4 juin 2017

A l'intérieur de l'âme

Jean Bourdichon


A la Pentecôte, les apôtres ont revêtu la grâce qui vient d’en haut, et ils ont été complètement baptisés par l’Esprit Saint. Lors du baptême, l’eau ne mouille que l’extérieur, mais l’Esprit Saint baptise aussi ce qui est à l’intérieur de l’âme. Les apôtres ont été baptisés de tout leur être, ils ont revêtu leurs âmes et leurs corps de la divinité et du vêtement du salut. Ils ont reçu le feu qui ne brûle pas mais qui sauve, et c’est un feu qui consume les épines du péché et qui sanctifie l’âme ; c’est ce feu que reçoivent tous ceux qui sont baptisés.


Cyrille de Jérusalem, Catéchèse 17, 14

dimanche 2 avril 2017

Carême : Le respect...

Rembrandt
Jamais homme n'a respecté les autres comme cet homme.



Pour lui, l'autre est toujours plus et mieux que ce à quoi les idées reçues, même des sages et des docteurs de la Loi, tendent à le réduire.

Il voit toujours en celui ou celle qu'il rencontre un lieu d'espérance, une promesse vivante, un extraordinaire possible, un être appelé, par delà ses limites, ses péchés, et parfois ses crimes, à un avenir tout neuf.

Il lui arrive même d'y discerner quelque merveille secrète dont la contemplation le plonge dans l'action de grâce !

Il ne dit pas : "Cette femme est volage, légère, sotte, elle est marquée par l'atavisme moral et religieux de son milieu, ce n'est qu'une femme". Il lui demande un verre d'eau et il engage la conversation.

Il ne dit pas : "Voilà une pécheresse publique, une prostituée à tout jamais enlise dans son vice". Il dit: "Elle a plus de chance pour le Royaume des Cieux que ceux qui tiennent à leurs richesses ou se drapent dans leurs vertus et leur savoir".

Il ne dit pas : "Celle-ci n'est qu'une adultère". Il dit : "Je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus".

Il ne dit pas : "Cette vieille qui met son obole ans le tronc sur les œuvres du Temple est une superstitieuse". Il dit qu'elle est extraordinaire et qu'on ferait bien d'imiter son désintéressement.

Il ne dit pas : "Ces enfants ne sont que des gosses". Il dit : "Laissez-les venir à moi, et tâchez de leur ressembler".

Il ne dit pas : "Cet homme n'est qu'un fonctionnaire véreux qui s'enrichit en flattant le pouvoir et en saignant les pauvres". Il s'invite à sa table et assure que sa maison a reçu le salut.

Il ne dit pas, comme son entourage : "Cet aveugle paie sûrement ses fautes ou celles de ses ancêtres". Il dit que l'on se trompe à son sujet et il stupéfie en montrant avec éclat combien cet homme jouit de la faveur de Dieu : "Il faut que l'action de Dieu soit manifestée en lui".

Il ne dit pas : "Le centurion n'est qu'un occupant". Il dit : "Je n'ai jamais vu pareille foi en Israël".

Il ne dit pas : "Ce savant n'est qu'un intellectuel". Il lui ouvre la voie vers la renaissance spirituelle.

Il ne dit pas : "Cet individu est un hors-la-loi". Il lui dit : "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis".

Il ne dit pas : "Ce Judas ne sera jamais qu'un traître". Il accepte son baiser et lui dit : "Mon ami".

Jésus n'a jamais dit : "Il n'y a rien de bon dans celui-ci, dans celle-là, dans ce milieu-ci…". De nos jours, il n'aurait jamais dit : "Ce n'est qu'un intégriste, un moderniste, un gauchiste, un fasciste, un mécréant, un bigot". Pour lui, les autres, quels qu'ils soient, quels que soient leur statut, leur réputation, sont toujours des êtres aimés de Dieu. Jamais homme n'a respecté les autres comme cet homme. Il est unique. Il est le Fils unique, de celui qui fait briller le soleil sur les bons et sur les méchants.

Seigneur Jésus, fils de Dieu, aie pitié de nous, pécheurs !

Mgr Albert Decourtray

Rembrant

dimanche 26 mars 2017

Carême : méditation sur la prière...

Dieu a dit par le prophète : «Ceci est mon repos : faites reposer ceux qui sont accablés (Is. 28, 12)».
Fais donc le repos de Dieu, ô homme, et tu n'auras pas besoin du «pardonne-moi». Fais reposer les accablés, visite les malades, occupe-toi des pauvres, et cela est prière. Et je t'assure. mon ami, chaque fois qu'un homme fait ainsi le repos de Dieu, cela est prière. 
[...]
Sois donc attentif, mon ami : s'il se présente à toi quelque chose d'agréable à Dieu ne dis pas : «C'est le temps de la prière. Je vais prier, et je ferai cela après». En attendant que tu aies fait la prière, la chose qui aurait fait plaisir à Dieu t'aura échappé. Tu auras ainsi perdu l'occasion de faire la volonté et le bon plaisir de Dieu. Par ta prière, tu auras commis un péché. Fais ce qui plais à Dieu. C'est cela prier. Ecoute la parole de l'Apôtre : «Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés». (1Cor. 11, 31)

Juge toi-même ce que je vais te dire. Si tu pars pour un long voyage, et qu'à cause de la grande chaleur il t'arrive d'avoir soif, si tu rencontres alors un frère et que tu lui dises : «Soulage-moi de la soif qui m'accable», et qu'alors il te réponde : «C'est l'heure de la prière. Je vais prier, et ensuite je me rendrai chez toi», en attendant qu'il ait pitié et revienne à toi, tu mourras de soif.
Que t'en semble ? Qu'y a-t-il de meilleur pour toi, qu'il aille prier, ou qu'il apaise ton tourment ?
Quelle utilité aura la prière de celui qui ne soulage pas la souffrance du prochain ? Le Seigneur n'a-t-il pas déclaré que nous serions jugés sur nos oeuvres ?
[...] 
Ce que je t'ai écrit : «Quand on fait la volonté de Dieu, cela est prière», cela me semble beau.
Mais parce que je te l'ai dit, ne va pas te relâcher de la prière, et ne cède pas à l'ennui - selon qu'il est écrit que Notre-Seigneur a dit : «Priez et ne vous lassez pas». Applique-toi à la veille, chasse de toi la somnolence et la pesanteur. Sois en éveil jour et nuit. et ne te laisse pas aller au découragement.

Aphraat le Persan, "Une nuée de témoins"

dimanche 12 mars 2017

Carême : le désert


"...Moi, je t'ai connu au désert, dans un pays de fièvre" (Osée 13.5)

Un jour trois ascètes décident de prendre une option différente :

- Le premier choisit de faire la paix parmi ceux qui se battent,

- Le deuxième se met à visiter les malades,
- Le troisième gagne le désert.

Peu de temps après, le premier, n’arrivant pas à ses fins, vient, découragé, trouver le deuxième qui lui aussi, est à bout.
Tous deux décident alors de se rendre auprès de celui qui avait opté pour l’hésychia au désert. Ils sont étonnés de sa réussite et l’assaillent de questions. Ce dernier commence par se taire puis il prend un vase, le remplit d’eau. « Regardez cette eau, leur dit-il, elle est trouble. » Puis, après un bon bout de temps, il leur dit encore : « voyez maintenant cette même eau et comment elle s’est reposée. » Et là, comme dans un miroir, ils virent distinctement leur visage. Et il leur dit : « Il en est ainsi pareillement de nous : lorsque nous vivons au milieu des hommes, nous ne voyons pas nos défauts, alors qu’il en est tout autrement dans le désert. »

En ce temps de Carême, le récit que nous venons de lire nous expose d’une façon magistrale le secret qui nous conduira au grand mystère de Pâques.
« Pour voir notre péché, nous précise-t-il, il nous faut faire l’expérience du désert… » Tout comme Jean-Baptiste (Mc 1, 14), tout comme Jésus lui-même (Mc 1, 12), nous ne pouvons rendre gloire à Dieu si nous ne nous mettons pas à l’écart (Mc 6, 1), afin de nous reposer, dans le but de mieux nous affronter dans notre propre face-à-face. Autrement dit, sans l’hésychia, nous ne pouvons pas nous connaître véritablement. Le désert et l’hésychia, deux données incontournables pour toute pratique orthodoxe de l’ascèse.
Le mot « hésychia » peut se traduire de plusieurs façons. Tout d’abord, il signifie le calme, le repos qui apaise nos mœurs troublées et nos passion,s par l’acquisition du silence intérieur, lequel nous éloigne de nos soucis du passé et de nos vaines distractions. Ensuite, il veut dire tranquillité, laquelle fait fi de nos mauvaises pensées et de nos stériles bavardages, afin de nous rendre disponibles à la véritable contemplation. Enfin, c’est aussi la capacité d’atteindre cet état de paix, qui éloigne de nous tous les bruits nuisibles à nos âmes.
« Lorsque nous vivons au milieu des hommes, nous ne voyons pas nos défauts… » Il nous faut donc par moments, bien garder nos distances pour avoir accès à notre monde intérieur et pour entrer aussi en communion avec les autres.
Le merveilleux de l’homme ne peut se saisir que dans le silence et le repos du cœur et non dans le brouhaha des foules anonymes. Nous n’entrons réellement en contact avec notre être total tout comme d’ailleurs avec celui des autres que lorsque « nous faisons en nous hésychia .» Et ce, bien plus encore, quand il est question de notre relation personnelle avec Dieu. C’est à cette seule condition qu’il nous sera possible d’user avec le Seigneur du langage des Béatitudes, en dehors de toute pression, de toute contrainte. Et lui, du même coup, deviendra notre ami et notre familier, nous confortant de la sorte dans notre intime conviction que nous sommes vraiment ses enfants.

N’ayons donc pas peur de partir avec obstination à la recherche de ce lieu désert que nous désigne le carême. Autrement dit (dans notre foyer, sur le lieu de notre travail, au détour d’un moment de détente…), prenons encore la peine de faire suffisamment halte dans cette oasis spirituelle que nous suggèrent le jeûne et la prière pour nous enivrer à satiété de la douce présence de Dieu.
Notre Eglise qualifie le Grand Carême qui précède Pâques de « printemps de l’âme. » Puisse-t-il en être ainsi. Alors, à l’instar de la femme de l’Apocalypse, le Seigneur se fera une joie de nous préparer, au sortir de notre expérience quadragésimale du désert, une « place où nous serons nourris mille deux cent soixante jours » (Ap, 12, 6). De sorte que, pour paraphraser Evagre le Pontique, «quoique séparés de tout nous soyons unis enfin à tout ; à la fois impassibles et d’une sensibilité souveraine ; déifiés tout en nous estimant le rebut du monde et par-dessus tout heureux, divinement heureux !»
Métropolite Stephanos de Tallinn


mardi 7 février 2017

Ceux qui ont soif, qu'ils boivent !

Supposons quelqu'un qui, par la pleine chaleur de midi, chemine, la tête brûlée des rayons du soleil, toute l'humidité de son corps aspirée par cette flamme, le sol est rude que foulent ses pieds, la route est rocailleuse, aride. Mais voici tout à coup qu'il rencontre une fontaine dont les eaux sont limpides et coulent transparentes; ses flots en abondance lui offrent doucement d'étancher sa soif. Va-t-il s'asseoir près de cette source et se mettre à philosopher sur sa nature, à en scruter l'origine, le comment et le pourquoi, examinant avec soin les questions que se posent les faiseurs de vains discours, à savoir qu'une vapeur venue d'en haut, dans les profondeurs de la terre bondit et devient un filet d'eau, ou que les veines de la terre, débordant des profondeurs d'en bas, s'écoulent pour jaillir en source ? Ou plutôt, congédiant tout cela, ne se penchera-t-il pas pour approcher ses lèvres des eaux vives, rafraîchir sa bouche, combler son désir et remercier celui qui lui a fait ce don ?
Imite donc, à ton tour, cet assoiffé. Rappelle-toi ce qui a été dit et comme on l'a dit : Heureux ceux qui ont soif … 

St Grégoire de Nysse

dimanche 8 janvier 2017

Sermon pour le jour de l'Epiphanie, St Bernard

Masaccio, prédelle du polyptyque de Pise

1. Nous lisons que le Seigneur s'est manifesté trois fois le même jour, sinon à la même époque. La seconde et la troisième fois il le fit d'une manière admirable, mais sa première manifestation est la plus admirable de toutes. Je trouve admirable le changement de l'eau en vin, admirable encore le témoignage de Jean, de la colombe et du Père; mais ce qui m'inspire plus d'admiration encore, c'est qu'il fut reconnu par les Mages. Or, ils l'ont reconnu, la preuve en est qu'ils l’adorèrent et lui offrirent de l’encens. Non-seulement ils reconnurent en lui un Dieu, mais aussi un roi, comme le prouve for qu'ils lui présentèrent. Toutes ces offrandes cachent pour eux un grand mystère de charité, aussi lui offrent-ils de la myrrhe pour indiquer sa mort. Les Mages adorent donc un enfant à la mamelle et lui offrent des présents. Mais, ô Mages, où donc voyez-vous la pourpre royale autour de cet enfant ? Est-ce dans ces pauvres langes dont il est enveloppé ? Si cet enfant est roi, où donc est son diadème? Pour vous, vous le voyez effectivement avec le diadème dont sa mère l'a couronné, je veux parler de cette- enveloppe mortelle dont il dit lui-même en ressuscitant : « Vous avez déchiré le sac dont j'étais vêtu, et vous m'avez environné de joie (Psal. XXIX, 12). » Sortez donc de vos demeures, filles de Jérusalem, et venez voir le roi Salomon qui parait avec le diadème dont sa mère l'a couronné, etc. (Cant. III, 10). » Oui sortez, vertus angéliques, habitants de la Jérusalem céleste, voici votre roi, mais paré de notre couronne, du diadème dont sa mère lui a ceint le front. Mais vous avez jusqu'à ce jour ignoré ces délices, jusqu'à ce jour vous n'avez point goûté ce bonheur. Vous connaissez bien sa grandeur, vous avez maintenant son abaissement sous les yeux; sortez donc de vos demeures et venez voir votre roi Salomon qui paraît avec, le diadème .dont sa mère l'a couronné.
2. Mais il n'est pas nécessaire que nous les y invitions , ils ressentent eux-mêmes le désir de le contempler. Car plus sa grandeur leur est connue, plus son abaissement leur semble aimable et précieux; voilà pourquoi, bien que nous ayons encore plus de sujets qu'eux de nous réjouir,puisque c'est pour nous qu'il est né, et à nous qu'il est donné, ce sont eux cependant nous préviennent et nous exhortent à le voir. J'en vois la preuve dans le fait de l'ange qui annonce la bonne et grande nouvelle aux bergers, et dans les chants de l'armée céleste qui était avec lui (Luc. III, 16). C'est: donc à vous, âmes mondaines, que je m'adresse quand je dis filles de Sion; 'est,à vous qui êtes des filles délicates et faibles plutôt que des fils, car la force vous manque et vous n'avez rien de viril en vous, que je dis : « Sortez de votre demeure, filles de Sion. » Sortez de vos sentiments charnels pour vous élever vers l'intelligence de l’esprit, de la servitude, de la concupiscence de la chair, pour rester dans la liberté de l'intelligence de l'esprit. Sortez de votre pays, de votre parenté et de la demeure de votre père « et venez voir votre roi Salomon. »D'ailleurs il ne serait pas sûr pour vous de voir en lui l'Ecclésiaste, car qui dit Salomon, dit pacifique. Or il est Salomon dans l'exil (a); mais qui dit Ecclésiaste dit harangueur de la foule, or il le sera au jugement dernier; qui dit Idite, dit ami du Seigneur, il ne le sera que dans son royaume. Dans l'exil il est doux et aimable; au jugement dernier il sera juste et terrible, et dans le royaume, il sera glorieux et admirable. Sortez donc de vos demeures, et venez voir votre roi Salomon,,car partout il porte sa royauté. Son royaume n'est pas de ce, monde, il est vrai, mais il n'en est pas moins roi dans ce monde. En effet, quand on lui dit : «Vous êtes donc roi? Je le suis, répondit-il, et c'est- pour cela que je suis né et que je suis venu dans le monde (Joan. XVIII, 37). » Maintenant donc il règle nos moeurs, au jugement dernier il discernera nos mérites, et dans son royaume il les récompensera.
3. Sortez donc de vos demeures, filles de Sion, et venez voir votre roi Salomon qui parait avec le diadème dont sa mère l'a couronné, le diadème de la pauvreté, la couronne de la misère. Car il a reçu de sa marâtre une couronne d'épines, une couronne de misère. Mais il en recevra une de justice de la main des siens, le jour où les anges iront arracher tous les scandales du milieu de son royaume, alors qu'il viendra pour juger avec les anciens de son peuple, et que l'univers entier se déclarera pour lui contre les insensés. Son Père le gratifie d'une couronne de gloire, selon ce mot du Psalmiste : « Vous lui avez donné une couronne de gloire et d'honneur (Psal. VIII, 6). » Venez donc le contempler, filles de Sion, sous le diadème dont l'a couronné sa mère. Prenez la couronne de votre roi devenu petit enfant pour vous, et, avec les Mages, adorez son abaissement; car leur foi et leur dévotion vous sont aujourd'hui proposées en exemple. A qui, en effet, comparerons-nous, à qui assimilerons-nous ces hommes aujourd'hui? Si je considère la foi du bon larron et la confession du centurion, il me semble que les Mages l'emportent sur tous les deux, attendu que pour ceux-ci déjà il avait fait bien des miracles, déjà il avait été annoncé par bien des bouches, déjà même il avait reçu les adorations de bien des gens. Remarquons néanmoins quel fut le langage de ces deux hommes. Le bon larron s'écriait du haut de la croix : « Seigneur, souvenez-vous de moi, lorsque vous serez arrivé dans votre royaume (Luc. XXII, 42). » Le supplice de la, croix serait-il la voie qui le conduit à son royaume? Qui donc t'a appris qu'il fallait que le Christ souffrit pour entrer dans sa gloire? Et toi, centurion, où as-tu appris à le connaître? L'Évangéliste nous dit que : « En voyant qu'il avait expiré en jetant ce grand cri, il s'écria : certainement cet homme était le Fils de Dieu (Marc, XV, 39). » Chose étrange et bien digne d'admiration!
4. Aussi vous dirai-je, voyez et remarquez quels yeux perçants, quels yeux de lynx a la foi. Elle voit le Fils de Dieu dans un enfant à la mamelle, elle le voit dans un homme attaché à la croix, enfin elle le voit dans un mourant En preuve, c'est que le centurion le reconnut sur la croix et les mages dans une étable: l'un le reconnaît malgré ses clous; les autres, malgré ses langes; celui-là reconnaît la Vie dans la mort, ceux-ci la vertu de Dieu dans le faible corps d'un nouveau-né; le premier, l'Esprit suprême dans un dernier soupir; les seconds, le Verbe de Dieu dans un muet enfant; car ce que l'un confesse par ses paroles, les autres le confessent par leurs présents. Le bon larron confesse le roi, et le centurion, le Fils de Dieu et de l'homme en même temps. Mais que signifient les trois présents des Mages? Leur encens ne montre-t-il point qu'ils reconnaissent en Jésus non moins un Dieu que le fils de Dieu? Aussi, mes frères bien-aimés, je demande à Dieu que l'immense charité que le Dieu de toute majesté nous a témoignée, vous profite, ainsi que le profond abaissement auquel il s'est soumis, et l'immense bonté que le Christ nous a montrée par son abaissement. Rendons grâce au Rédempteur, notre médiateur, qui nous a fait connaître l'extrême bonne volonté de Dieu le Père à notre égard; car nous savons si bien quelles sont ses dispositions à notre égard, que nous pouvons dire avec raison : « Nous courrons, mais non pas au hasard (I Cor. IX, 26). » Nous ne pouvons douter, en effet, que le coeur de Dieu le Père ne soit à notre égard dans les dispositions où nous l'a montré celui même qui est sorti de son coeur.

Saint Bernard

"Deuxième sermon pour le jour de l'Epiphanie de notre Seigneur. Sur les Mages, à l'occasion de ce passage du Cantique des cantiques : Sortez de vos demeures, filles de Sion, et voyez le roi Salomon (Cant. III, 10)." 



dimanche 6 novembre 2016

La culture de la vigne spirituelle


Le vigneron s'en ira tailler dans sa vigne les pousses folles. S'il ne le faisait pas et s'il les laissait sur le bon bois, sa vigne ne donnerait qu'un vin aigre et mauvais. Ainsi doit faire l'homme noble : il doit s'émonder lui-même de tout ce qui est désordre, déraciner à fond toutes ses manières d'être et ses inclinations, qu'il s'agisse de joie ou de souffrance, c’est-à-dire tailler les mauvais défauts, et cela ne brise ni la tête, ni le bras, ni la jambe. Mais retiens le couteau jusqu'à ce que tu aies vu ce que tu dois couper. Si le vigneron ne connaissait pas l'art de la taille, il couperait tout, aussi bien le bois noble qui doit bientôt donner du raisin que le mauvais bois, et il ruinerait le vignoble. Ainsi font certaines gens. Ils ne connaissent pas le métier. Ils laissent les vices, les mauvaises inclinations dans le fond de la nature, taillant et rognant la pauvre nature elle-même. 

La nature en elle-même est bonne et noble : que veux-tu y couper ? Au temps de la venue des fruits, c’est-à-dire de la vie divine, tu n'aurais plus qu'une nature ruinée…
Jean Tauler, sermon 7 

vendredi 14 octobre 2016

Homélie du père Patrice Gourrier, 9 octobre 2016

Cette semaine, quelqu’un m’a demandé : « Mais à la messe, dois-je être triste ou joyeux ? ». C’est une excellente question. On voit bien qu’elle détermine toute une pastorale : la messe doit-elle être conçue comme une grande fête ? Un repas partagé où tous nous sommes joyeux ? Ou bien au contraire doit-elle être appréhendée avec une certaine austérité, voire gravité, favorisant dans le meilleur des cas de la profondeur ? En lisant quelques textes et notamment ceux de l’évêque de Mende au XVIIe siècle, je répondrai : « les deux ».
En effet, en l’espace de soixante minutes, nous éprouvons des émotions bien différentes et la liturgie nous invite, nous oriente dans nos émotions : nous arrivons en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Peut-on être joyeux en reconnaissant au plus profond de son cœur que nous avons manqué d’amour, que nous n’avons pas partagé avec ceux qui ont besoin, que nous avons été médisants, succombant à la critique continuelle des uns et des autres ? Non, notre péché doit nous faire horreur. Que dirait un médecin s’il voyait un malade arriver avec un plaie béante en déclarant : « Mais c’est merveilleux, je saigne, j’ai mal, mais c’est fantastique, ne faites rien, laissez comme cela ! ». Le médecin dirait : « Cette personne ne va pas très bien dans sa tête, elle est blessée, elle saigne, elle a mal, elle a besoin d’être soignée. ». C’est pourquoi, lorsque nous allons chez le médecin avec une plaie béante, saignante, nous pleurons de douleur et nous demandons au médecin de nous soulager. Par analogie, il en est de même au début de la célébration : Notre péché nous fait mal, nous souffrons. C’est pourquoi nous arrivons tristes, le cœur chargé face à cette blancheur immaculée de Dieu représentée ici par une nappe. Oui, c’est pourquoi nous devrions aller même jusqu’à pleurer. Mais nous ne pleurons plus face à notre péché et d’ailleurs tout à l’heure lorsque nous avons chanté « 
Kyrie Eleison, Christe Eleison », étions-nous dans le chant, les paroles du chant ou dans notre péché ?
Oui, au début de la célébration, nous sommes appelés à être tristes et je crois qu’il est important que nous puissions retrouver cette notion fondamentale en spiritualité, sur laquelle le pape François insiste si souvent : les larmes. « J’ai manqué d’amour, cela me fait pleurer face à la bonté de Dieu. J’ai été médisant, cela me fait pleurer face à la bonté de Dieu ». Certains diront : « Tout cela c’est du sentiment, de la sensiblerie », mais les larmes sont symboliques de l’état de notre cœur. Si nous ne pleurons plus face à notre péché, c’est que nous sommes habitués au péché : « Oh, bien sûr, j’ai été médisant, et bien, j’irai me confesser, le curé me pardonnera. Dieu pardonne toujours, ce n’est pas bien grave ! ».
Si nous souhaitons réellement devenir des saints, et c’est pourquoi nous sommes ici, si nous souhaitons emprunter ce chemin, nous devons avoir horreur de notre péché.
C’est la première partie de la célébration : une tristesse intérieure, une pesanteur. Les Pères n’hésitaient pas à parler, lorsqu’ils abordaient le péché, de graisse spirituelle qui nous appesantit. Mais alors commence le miracle : la Parole de Dieu se donne et cette Parole nous relève, nous élève. Au lieu de regarder le sol du fait de notre péché, nous nous mettons à regarder le ciel avec espérance, parce que la Parole de Dieu est une parole d’amour. Parce que Dieu nous prend dans ses mains, avec une délicatesse infinie. Il prend nos blessures, nos péchés et nous amène plus haut, toujours plus haut. Un peu comme ce lépreux de la première lecture ou les dix lépreux de l’Évangile : « Jésus, Maître, prends pitié de nous », c’est ce qu’ils lui ont crié et alors Jésus les a guéris. Il nous guérit par sa Parole, Il nous guérit par son Eucharistie, par la communion. Alors, de la tristesse nous passons à la joie, parce que, quand nous entendons la Parole de Dieu, il n’y a plus de place à la tristesse, Dieu ne condamne pas, Dieu relève. Lorsque nous communions, nous sommes éblouis intérieurement, illuminés : Dieu se donne à moi ! Mais oui, Dieu se donne à moi parce qu’Il veut que je devienne comme Lui, Il veut que je m’élève, et c’est pourquoi, à la fin de la célébration, nous partons avec cette parole ultime : « Allez dans la paix du Christ ».
Nous sommes passés de la tristesse de notre péché à la joie par la Parole et par l’Eucharistie et nous repartons en paix.
Ainsi, à la messe, nous sommes appelés à passer de la tristesse à la joie et les deux sont fondamentaux. Nous ne pouvons pas seulement durant la messe taper des mains et être dans la joie, ce serait oublier que nous ne sommes pas encore comme Dieu. Nous ne pouvons pas, non plus, avoir des faces de carême durant toute la célébration, cela signifierait que la Parole de Dieu glisse sur nous, que l’Eucharistie glisse sur nous et que nous restons enfoncés dans notre péché, ça en deviendrait pathologique. Oui, à la messe, nous passons de la tristesse à la joie.
Intervient un dernier élément fondamental aujourd’hui, inspiré par la lecture : c’est l’action de grâce. C’est être capable de dire à Dieu : « Mon Dieu, merci. Merci pour tout ce que Tu me donnes », « Oui, j’étais pécheur, oui, je n’ai pas été toujours aimable, et malgré tout, Dieu se donne et m’élève, alors pour ça, je Lui dis merci ».
C’est ce qui se passe dans cette lecture très instructive de l’Évangile : dix lépreux ont été purifiés, ils ont été guéris, mais il n’y en a qu’un seul, en plus un étranger, même pas un juif, qui vient voir le Christ pour lui dire : « Merci », et Celui-ci lui déclare : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ». On a l’habitude d’interpréter ce texte en disant que dix lépreux ont été guéris physiquement mais qu’un seul a été sauvé intérieurement parce qu’il a su rendre grâce.
Alors, vous le voyez, une célébration comme la nôtre se termine par un bouquet de fleurs, par un bouquet de joies. Nous repartons réellement illuminés, non pas seulement pour nous-mêmes, mais pour être capables, de par la lumière de nos yeux, de la clarté de nos paroles, d’aider ceux et celles dont nous croiserons la route cette semaine, parce que la joie, le bonheur n’ont de valeur que s’ils sont partagés.
Amen.

dimanche 18 septembre 2016

De la prière du Seigneur, extraits, Cyprien de Carthage.






Frères et sœurs bien aimés, quand nous nous mettons debout pour prier, nous devons veiller à nous appliquer à la prière de tout notre cœur.



Chassons toute pensée concernant les soucis et les affaires de ce monde, ne pensons qu'à prier. C'est pourquoi le prêtre, avant la prière eucharistique, prépare le cœur des frères et sœurs chrétiens, par ce dialogue :
"Elevons notre cœur !"
Le peuple répond :
"Nous le tournons vers le Seigneur !"
Par là, nous sommes avertis que nous devons penser seulement au Seigneur. Que la porte de notre cœur soit fermée à l'adversaire et ouverte à Dieu seul, pour ne pas laisser l'ennemi entrer en nous au moment de la prière.


Souvent en effet, il se glisse doucement et pénètre en nous, plein de ruse il nous trompe, il éloigne nos prières de Dieu. Alors nous avons une chose dans la bouche et une autre dans le cœur.
Oui, nous devons nous adresser à Dieu avec une intention pure : le bruit des paroles ne suffit pas, ce sont notre esprit et notre cœur qui doivent prier.

Quand tu pries le Seigneur, tu manques vraiment de ferveur  si tu te laisses emporter et prendre par des pensées stupides et inutiles !
Est-ce que tu as quelque chose de plus important à penser que de parler avec Dieu ? Comment peux-tu demander à Dieu de t'écouter quand toi, tu ne t'écoutes pas toi-même ? Tu veux que Dieu se souvienne de toi quand tu pries, alors que toi, tu ne te souviens même pas de toi-même !

En agissant ainsi, tu ne te protèges pas complètement contre l'ennemi.
En agissant ainsi, au moment même où tu pries, tu offenses le Dieu très grand par ta négligence dans la prière.
En agissant ainsi, tes yeux veillent mais ton cœur dort.
Or un chrétien doit garder son cœur éveillé, même quand il dort.
Il est écrit dans le Cantique des cantiques, et c'est l'Eglise qui parle : je dors mais mon cœur veille. (Ct 5,2) Voilà pourquoi l'Apôtre donne ce conseil plein de sagesse et de prudence : soyez fidèles à la prière et veillez en priant (Col 4,2).

Par là, il nous enseigne et nous montre ceci : nous pouvons obtenir de Dieu ce que nous lui demandons si Dieu nous voit veiller dans la prière.
 

Cyprien de Carthage, "de la prière du Seigneur".





vendredi 12 août 2016

Un regard orthodoxe : la Dormition de Marie, P. Lev Gillet.

La troisième des grandes fêtes d'été est la commémoration de la mort de la Bienheureuse Vierge Marie, appelée en langage liturgique la " Dormition " de Notre-Dame. C'est, du point de vue liturgique, la plus importante des fêtes de la Vierge. Elle est précédée par un jeûne de deux semaines, le " Carême de la Mère de Dieu ", analogue à celui qui précède la fête de Saint Pierre et Saint Paul ; ce carême commence le 1er août et dure jusqu'au 14 août inclus. La fête elle-même a lieu le 15 août.
Beaucoup de traits de cette fête sont empruntés à d'autres fêtes de la Vierge. On remarquera que les portions de l'Écriture lues le 15 août ne font aucune allusion à la mort de la Sainte Vierge. C'est dans les chants des vêpres et des matines qu'il faut chercher la signification particulière que l'Église attribue à la fête du 15 août.
Cette signification est double. Elle se trouve exactement exprimée dans cette phrase chantée aux vêpres : " La source de vie est mise au sépulcre et son tombeau devient l'échelle du ciel ". La première partie de la phrase – " la source de vie est mise au sépulcre " – indique que nous commémorons la mort de la très sainte Vierge. Si nous célébrons pieusement, chaque année, les anniversaires de la mort du Précurseur, des apôtres et des martyrs, à plus forte raison célébrons-nous la mort de la Mère de Dieu, qui est aussi notre mère, et qui dépasse en sainteté et en gloire tous les élus. Mais la fête du 15 août est plus que la commémoration de la mort de Marie. La deuxième partie de la phrase dit : " … et son tombeau devient l'échelle du ciel ". La tombe de quiconque est mort dans le Christ est, d'une certaine manière, une échelle qui conduit au ciel. Cependant le cas de Marie est exceptionnel. Les textes liturgiques que nous chantons impliquent autre chose : " Ouvrez larges vos portes et… accueillez la Mère de la lumière intarissable… Car, en ce jour, le ciel ouvre son sein pour la recevoir… Les anges chantent ta très sainte Dormition… que nous fêtons avec foi… Que tout fils de la terre tressaille en esprit… et célèbre dans la joie la vénérable Assomption de la Mère de Dieu ". On le voit, il ne s'agit pas seulement de la réception de l'âme de Marie dans le ciel. Quoique la fête du 15 août ne porte pas, dans le calendrier liturgique byzantin, le nom de fête de l'Assomption (comme c'est le cas dans l'Église latine), nos textes expriment la croyance en l'assomption corporelle de Marie. Selon cette croyance, le corps de Marie n'a pas connu la corruption qui suit la mort ; il n'est pas resté dans le tombeau ; Marie ressuscitée a été transportée au ciel par les anges (l'Assomption diffère de l'Ascension en ce que le Christ s'est élevé lui-même au ciel).
L'Assomption de Marie est située en dehors – et au-dessus – de l'histoire. La croyance en l'Assomption ne s'appuie ni sur un récit biblique, ni sur des témoignages historiques scientifiquement recevable. Elle n'a été l'objet d'aucune définition dogmatique. L'Église n'a, jusqu'ici, imposé à aucun fidèle d'affirmer le fait de l'Assomption corporelle de Marie. Mais, si l'affirmation (intérieure ou extérieure) n'est pas exigée par l'Église, on peut dire que la conscience orthodoxe considérerait la négation active de l'Assomption non seulement comme une témérité, mais comme un blasphème. D'ailleurs, comment nier un fait qui n'est susceptible d'aucune vérification historique ? La croyance en l'Assomption ne se fonde pas sur des preuves documentaires. La conscience catholique, éclairée par le Saint-Esprit, s'est peu-à-peu persuadée que, si " le salaire du péché, c'est la mort (Rm 6,23) ", Marie a dû remporter sur la mort une victoire spéciale. Ainsi que Jésus (et toutes proportions gardées), elle a été glorifiée dans son corps. C'est cette glorification de la toute pure et toute sainte Mère de Dieu dans son âme et dans sa chair – et non point tel ou tel symbolisme matériel et telles ou telles circonstances historiques – qui constitue l'objet de la fête du 15 août.

L'Assomption est la fête, non seulement de Marie, mais de toute la nature humaine. Car, en Marie, la nature humaine a atteint sa fin. Une semaine après le début de l'année liturgique nous célébrons la naissance de la très Sainte Vierge. Deux semaines avant la fin de l'année liturgique, nous célébrons la mort et la glorification de Marie. Ainsi, associé et subordonné au cycle de la vie de Jésus, le cycle de la vie de Marie manifeste le destin et le développement d'une nature humaine entièrement fidèle à Dieu. Avec Marie, c'est le genre humain qui est emporté et reçu au ciel. Marie a des privilèges qui ne peuvent pas être les nôtres. Mais ce parfait épanouissement de la grâce en Marie, que nous admirons le 15 août, nous suggère quelle pourrait être la ligne de développement d'une âme qui s'appliquerait à faire fructifier en elle-même les grands dons reçus au cours de l'année liturgique, – le don de Noël, le don de Pâques, le don de la Pentecôte.

Méditation avec le père Lev Gillet

dimanche 7 août 2016

La Transfiguration

La matière est transfigurée dans le Royaume de Dieu.

Transfiguration, Cassien Rivas
Pourquoi les quatre Évangiles ne nous disent jamais rien de la couleur de la peau et des cheveux de notre Sauveur Jésus-Christ. Aucun Évangile ne nous dit à quoi le visage de Jésus-Christ ressemblait, en tant qu'homme, ou quelle était la couleur de ses cheveux. Pourquoi ? Parce que le visage de l'homme vivant sur la terre change, il est provisoire, pour qu'il soit transformé au Royaume des Cieux.

Le seul passage où les Évangiles disent comment est le visage du Christ, est le moment de la Transfiguration, car il est comme nous le verrons dans l'éternité, dans la gloire, à savoir que la matière devient intérieure à l'esprit, alors que maintenant l'esprit est caché dans la matière.

La matière est transfigurée dans le Royaume de Dieu: elle est transformée, atténuée, spiritualisée, dès lors que l'esprit ou l'âme lumineuse règne sur le corps. Ainsi, la Transfiguration de Jésus Christ, notre Sauveur, nous montre Son visage Éternel qui nous appelle à Lui.

Par le Primat de l'Église Orthodoxe roumaine, le Patriarche Daniel. 
Homélie de la Transfiguration, 6 août 2012

mardi 12 juillet 2016

Qui est mon prochain ?



      
        « Tu aimeras Dieu de toutes tes forces et ton prochain comme toi-même. » Aujourd’hui, nous est rappelé l’essentiel, l’essentiel de notre foi et de notre vie. « Aime ton prochain. » Mais qui est mon prochain ? Il y a le prochain qu’on voit et celui qu’on ne voit pas, ou qu’on ne veut pas voir. Il y a celui qui est naturellement proche, parce qu’on partage les mêmes goûts, les mêmes idées. Il y a celui qu’on rencontre tous les jours, mais qu’on ignore. Et il y a celui que l’on rejette, parce que quelque chose nous oppose.

        Qui est donc mon prochain ? Il n’est pas celui qui me ressemble, mais celui que Dieu me donne à aimer. Voilà un homme attaqué sur la route. Un inconnu. Il est là, à moitié mort. Il est là comme un appel silencieux. Un appel à tout homme de bonne volonté qui pourrait le secourir. Et voilà successivement deux hommes, deux religieux. Mais ils passent leur chemin. Pourquoi ? Ils pensent avoir de bonnes raisons, au nom de leur religion. Et voilà un Samaritain, ennemi juré des deux premiers. Lui est touché par ce blessé. On nous dit qu’il est « saisi de compassion ». On aurait pu traduire : « pris aux tripes ». Lui va s’approcher du blessé, va prendre soin de cet homme. Lui ne calcule rien et donne ce qu’il faut pour que cet homme soit pris en charge. Nous comprenons bien tout cela. Mais l’enjeu c’est de le mettre en pratique. « Fais cela et tu vivras », dit Jésus au docteur de la Loi qui l’interroge.

         Nous pouvons aussi comprendre cette page d’Évangile à un autre niveau. En Jésus, c’est Dieu lui-même qui s’est fait notre prochain. Il s’est approché de nous jusqu’à se faire l’un de nous. Nous voyons dans l’Évangile combien Jésus prend soin de tous ceux qui sont blessés dans leur corps ou dans leur cœur. Et il se donnera tout entier, sur la croix. L’humanité blessée par le mal, par la violence, par le péché, par la mort, c’est encore la nôtre. Jésus est seulement passé au milieu de nous, mais il nous a confiés à l’aubergiste, qui est son Église. Il l’a chargée de prendre soin de l’humanité. Elle ne le fait pas toujours bien, mais c’est sa mission.

        Aujourd’hui, dans la chapelle de l’ancien couvent Saint-Gildard, nous commémorons l’arrivée au noviciat d’une jeune fille qui a voulu, à la suite de Jésus, se donner tout entière par amour de Dieu et du prochain. La petite Bernadette Soubirous, Dieu s’est approché d’elle, par Marie. À Lourdes, Marie s’est faite petite comme Bernadette, a parlé le patois de Bernadette, pour en faire la messagère de l’amour de Dieu. Et Bernadette a été touchée. Touchée par l’amour de Dieu pour elle. Et elle a voulu se donner à cet amour. Alors, elle est entrée dans cette congrégation qui a pour devise l’amour, et cet amour a été le moteur de sa vie : « Je ne vivrai pas un instant que je ne le passe en aimant. » Elle l’a dit ; et elle l’a fait. Auprès des malades, à Lourdes puis à Nevers, et dans une union de plus en plus forte à Jésus, dans sa propre maladie et dans sa mort.

        Frères et sœurs, la grande loi de notre vie est l’amour. La grande loi de notre Dieu est l’amour. Cette loi est dans nos cœurs, comme le disait la première lecture. « Elle est près de toi cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mettes en pratique. »Cette Parole a aussi un visage, le visage d’un prochain connu ou inconnu qui nous dit : « Regarde-moi, écoute-moi, prends soin de moi. » En cette année de la miséricorde, saurons-nous nous approcher de ce prochain ?
Mgr Thierry Brac de Perrière
Homélie du 10 juillet 2016, sanctuaire sainte Bernadette, à Nevers,