dimanche 5 avril 2020

Passion...

"Père s'il est possible, éloigne de moi ce calice". Je ne vois pas qu'il y ait sujet d'excuser le Christ d'avoir dit ces mots, mais nulle part je n'admire davantage sa tendresse et sa grandeur. Le bienfait que me procure la passion du Seigneur eût été moindre s'il n'avait pris mes sentiments. C'est donc pour moi qu'il s'est affligé, n'ayant en lui aucun motif d'affliction. Mettant de côté la jouissance de sa divinité éternelle, il se laisse atteindre par la lassitude de ma faiblesse. Il a pris ma tristesse pour me donner sa joie, sur mes pas il est descendu jusqu'à l'angoisse de la mort afin que, sur ses pas, je sois rappelé à la vie. Je n'hésite donc pas à parler de tristesse puisque je prêche la croix. C'est que le Christ n'a pas pris de l'Incarnation seulement l'apparence, il en a pris la réalité. Il devait donc aussi prendre la douleur, afin de triompher de la tristesse et non de l'écarter : on ne saurait être loué pour son courage, si l'on n'a connu des blessures que l'étonnement sans la douleur. "Homme de douleurs et connu de la souffrance", il a voulu nous instruire. L'histoire de Joseph nous avait appris à ne pas craindre la prison ; dans le Christ, nous apprenons à vaincre la mort, mieux encore, à vaincre l'angoisse de la mort à venir. Aussi bien, comment t'imiterions-nous, Seigneur Jésus, si nous ne te suivions dans ton humanité, si nous ne croyions que tu es mort, si nous n'avions vu tes blessures. Comment les disciples auraient-ils cru qu'il allait mourir, s'ils n'avaient vu l'angoisse d'un mourant ?

Ainsi les disciples dorment et ignorent la douleur, eux pour qui le Christ est dans la douleur. C'est ce que nous lisons : "Il porte nos péchés et il souffre pour nous". Tu souffres donc Seigneur, non de tes blessures, mais des miennes, non de ta mort, mais de ma faiblesse. Et nous te regardions comme un homme de douleurs, quand tu souffrais, non pour toi, mais pour moi. Car tu es devenu faible, mais à cause de mes péchés, parce que cette faiblesse tu ne l'as pas reçue de ton Père, tu l'as prise pour moi, parce qu'il était bon que le châtiment qui nous rend la paix soit sur toi et que les blessures guérissent nos plaies. Mais quoi d'étonnant si, pour tous, il a souffert, quand pour un seul il a pleuré ? Quoi d'étonnant s'il défaille au moment de souffrir pour tous, quand il pleure au moment de ressusciter Lazare ? Alors les larmes d'une soeur aimante ont touché son coeur, maintenant un désir profond le pousse : de même qu'en sa chair il détruit nos péchés, de même l'angoisse de son âme détruit l'angoisse de la nôtre.

Or, Pierre suivait de loin... Il est bien vrai qu'il suivait de loin, étant déjà si près de le renier, car il n'aurait pas pu le renier s'il s'était attaché étroitement au Christ. Mais peut-être devons-nous l'admirer de ne pas avoir abandonné le Seigneur tout en ayant peur : sa chute est le sort commun, son repentir vient de la foi. Pierre nie au lieu où le Christ est emprisonné, où Jésus est enchaîné... Il faisait froid... Il faisait froid en ce lieu où Jésus n'était pas reconnu, où il n'y avait personne qui vît la lumière, où l'on reniait le feu qui consume. Il faisait froid pour le coeur, non pour le corps. Aussi bien Pierre se tenait auprès du feu car il avait le coeur transi... L'erreur de Pierre est un enseignement pour les justes, l'achoppement de Pierre est le roc de tous. C'est le même Pierre qui a chancelé sur la mer, mais a marché. Pierre chancelant est plus ferme que notre fermeté. Tomber lui a été meilleur que pour d'autres rester debout : mieux lui a valu tomber puisque le Christ l'a relevé. Jésus le regarda : aussi bien ceux-là pleurent que Jésus regarde. Regarde-nous, Seigneur Jésus, pour que nous sachions pleurer notre péché. Que nous imitions Pierre qui dit ailleurs à trois reprises : Seigneur, tu sais que je t'aime, car ayant renié trois fois, il confesse trois fois ; il a renié dans la nuit et a confessé le Seigneur au grand jour."
Saint Ambroise



dimanche 29 mars 2020

Carême, Lazare(s)...


…Si quelqu’un vient des morts vers eux, ils feront pénitence. Ce que le riche suppose du cœur de tous, ce qu’il attend des désirs de tous, ce qu’il attribue aux vœux de tous les humains, tous nous le susurrons : Oh! Si quelqu’un venait de chez les morts, et rapportait ici ce qui s’y passe, tout le monde le croirait ! Ce genre de discours est celui de personnes qui doutent ! Qui vient ici d’où personne ne vient ? Qui prouvera qu’après la mort on existe encore ?

Car comme le riche l’avait demandé, Dieu envoya Lazare dans un autre Lazare…

Et le Christ venu du ciel et revenu lui-même des enfers, a enseigné par la parole et a confirmé ce qui est réservé aux justes dans le ciel, et quels sont les maux que l’on doit s’attendre à trouver en enfer. Mais peut-être que nous ne croyons pas non plus en ces choses, et que nous ne voulons pas que le Christ revienne, parce que nous ne voulons pas que le monde passe, mais surtout parce que nous nous lamentons de la disparition des vices.
Le Christ n’est pas venu mettre en échec la vie mais la mort. Il est venu mettre la mort en échec, non la vie, rappeler le monde à Lui, non le détruire, anéantir les vices, non réduire à rien sa créature. Prions, mes frères, pour qu’à son retour le Christ nous trouve capables de participer à son règne, selon son désir et son commandement.
St Pierre Chrysologue, 66ème sermon 

lundi 23 mars 2020

Communion des coeurs...


Un rendez-vous...



En ces temps d'incertitude et de confinement, nous sommes invités à nous rejoindre dans la prière chaque soir à 18 h 30, là où nous sommes et quelque soit l'expression de notre foi.

Dans la communion des coeurs...

Avec confiance...

dimanche 22 mars 2020

Carême, la lumière du monde...



Au début de son évangile Saint Jean nous dit dans le prologue: “Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme; il venait dans le monde. Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu”...  
 ...Jésus vit un homme qui n’a pas de nom, qui ne demande rien et qui était aveugle depuis sa naissance. Dieu ne passe pas outre la misère de ses enfants: ”J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris; je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer, dit Dieu à Moise dans le livre de l'Exode. Nous sommes bien la seule religion qui ose prétendre que ce n’est pas l’homme qui cherche Dieu, mais Dieu qui inlassablement vient à la recherche de l’homme qui erre en exil loin de sa Terre Promise. Impossible d’imputer à ce malheureux aveugle la responsabilité de sa maladie: elle est de naissance. Cet homme ne fait que manifester dans sa chair l’état de cécité de notre humanité tout entière depuis qu’elle est privée de la grâce divine. En voyant l’aveugle, Jésus reconnaît pourtant celui en qui l’œuvre de Dieu devait se manifester. 
Quelle est cette œuvre de Dieu, cette œuvre du Père? Dans le discours du pain de Vie, Jésus nous donne la réponse: “L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé”. Son œuvre est de nous éclairer de la lumière de la foi. L’œuvre que Jésus réalise, et à laquelle il associe ses disciples quand il dit: “il nous faut réaliser”, c'est de manifester l’action de Dieu et révéler ainsi sa bienveillance paternelle envers les hommes. C’est bien le même Père qui aux origines façonna l’homme avec la glaise prise du sol, qui maintenant avec la salive et les mains de son Fils, fait  de la boue qu’il applique sur les yeux de l’aveugle. Autrement dit, en guérissant l’aveugle-né, Jésus pose un acte de révélation de sa vraie nature, il est l’Envoyé du Père, venu libérer les hommes de la nuit du péché et faire briller sur eux la lumière de Dieu. 
Lors de la fête des Tentes, on lavait l’autel du Temple avec de l’eau de Siloé pour signifier la purification du peuple et obtenir de Dieu la fécondité des terres. En demandant à l’aveugle-né de s’y laver: ”Va te laver à la piscine de Siloé”, Jésus l’introduit dans une vie nouvelle qui va se révéler féconde pour cet homme. Et soulignant la signification du nom de la source, Siloé, c’est-à-dire l'“Envoyé”, saint Jean affirme que par cette eau, d’une part, Jésus se révèle comme l”Envoyé” du Père, et, d’autre part, l’aveugle est constitué “envoyé” de Jésus, témoin fidèle de celui qui l’a guéri... ...Plongé avec le Christ dans les ténèbres de la mort, enseveli avec lui en terre, l’aveugle va être illuminé par l’Esprit, qui l’introduira dans la vie même du Christ ressuscité. 
Le contraste est impressionnant: celui qui ne voit pas au commencement croit en Jésus, et ceux qui voient ne croient pas. C’est tout un chemin de foi que parcourt l’aveugle et il est nous donné comme exemple et modèle. L’aveugle-né, en effet croit immédiatement à la parole de Jésus, avant même d’être guéri. Il connaît le nom de Jésus, mais ne sait rien de plus. Il lui faut passer de la lumière des yeux à la lumière de la foi. Autour de lui, la division apparaît et s’installe. 
Peut-être, pour l’aveugle comme pour nous, la foi doit-elle encore être éprouvée par la contradiction, purifiée par l’épreuve, fortifiée par le témoignage, jusqu’à ce qu’enfin le Seigneur se révèle dans une seconde rencontre qui nous conduise, lui comme nous, à choisir résolument et définitivement Jésus comme notre Seigneur et Sauveur adoré. “Je crois Seigneur”, et il se prosterne devant la divinité du Fils de Dieu. La guérison de l’aveugle-né l’a conduit à la plénitude de la foi en Jésus. L’ancien aveugle est ainsi la figure de l’illumination baptismale dans laquelle nous recevons Jésus, lumière du monde, qui vient conduire chaque homme vers le Père. 
Au commencement de notre évangile Jésus a dit: ”Il nous faut réaliser l’œuvre de Dieu”. Nous qui sommes devenus par le baptême “enfants de lumière”, nous devons transmettre aux autres cette lumière de la foi par le témoignage de notre vie...
P. Philippe Vanderheyden Monastère de Chevetogne