lundi 25 juillet 2016

L'amour ne peut être oisif, Bx. F. Palau



 L'amour ne peut être oisif dans le cœur humain : il travaille dans la mesure où on lui donne aliment et, selon l'objet auquel il se dirige, il prend les noms suivants :

Amour vierge, nouveau et jeune, ou ancien et prouvé.

Amour chaste.

Amour naturel, pur ou impur.

L'amour virginal est celui qui naît d'un cœur vierge et tend de toutes ses forces à son objet propre. : cet amour, tant qu'il est nouveau, cherche Dieu seulement; et croyant que Dieu sans la relation au prochain suffit, il en reste là, il stationne là; et s'il n'en sortait pas pour se répande sur le prochain, l'égoïsme spirituel le consumerait et le perdrait. Ainsi donc, la chose aimée comme objet principal est Dieu, mais il y a en plus le prochain (les hommes) qui, unis à Dieu-homme comme des membres à une tête forment un corps, et ce corps moral est l'Eglise sainte. La foi catholique, donc, quand elle découvre à l'amour son objet propre, s'il n'y a pas empêchement dans le cœur, cet amour marche avec toute la plénitude de ses forces vers lui, et l'amour unit celui qui aime avec la chose aimée comme le feu dans de nombreuses bûches. Cet amour, chez un jeune, est nouveau et le temps le perfectionne. Chez un ancien qui l'a nourrit dans son cœur avec soin, il œuvre en plénitude.



L'amour chaste est celui que l'on trouve chez les gens mariés; chaste également est l'amour des personnes consacrées à l'amour divin. Chez les gens mariés, il œuvre d'ordinaire très lentement, parce que son objet est très partagé et c'est chose facile que de le détourner en lui donnant un appât qui le tue.



L'amour naturel s'oriente vers tout ce qui est aimable et agréable; et si ceci est une chose défendue ou mauvaise, il est impur, et si c'est une bonne chose dans l'ordre naturel, il est licite.



L'amour pur, chaste, virginal, œuvre dans la solitude avec toute la plénitude de ses forces, parce qu'il peut, là, voir avec toute la clarté possible son objet propre, qui est l'Eglise sainte, ou Dieu dans le prochain.

Dans la solitude, la retraite, le silence, il œuvre avec toute son efficacité parce que, là, personne ne le distrait. L'objet de l'amour fixé au cœur humain par la loi est immense, infini; et si grand que, notre capacité a beau être presque immense, il remplit tout le cœur si celui-ci est vide ; et pour ces opérations, la conversation est une gêne. (Cf 1 Co 7, 32-34)
 Bx  Francisco Palau y Quer, "Mes relations"
  






lundi 18 juillet 2016

Une femme couronnée d'étoiles





      Une femme couronnée d'étoiles. La douceur de Marie dans la femme de l'Apocalypse. La douleur de Marie. Douleur d'enfantement. Douleur devant la Croix du Bien-Aimé. Douceur de Marie devant les hommes, douleur par les hommes.

      Je ne sais pas pour quoi j'écris. Peut-être pour rien, parce que les mots s'appellent l'un l'autre, se puisent au silence quand la réflexion s'abîme dans la pure nuit, celle qui est inondée d'indicible lumière. Pure lumière.
Je vois cette pureté-là, lumière et nuit  une, ce lieu où tout se tait, où la pensée se perd et se trouve tout ensemble, hors d'elle-même. Silence inaltérable et sublime. Au delà, la tendresse de son sourire. La pureté de ses larmes. Les deux ensembles.

Marie, toute pure, prie pour nous, pécheurs.


      Il n'y a pas d'images. Il y a son visage penché et ses larmes claires. Il y a ce geste si tendre, cette main tendue vers nous, ce sourire, cet appel comme un soupir. Il y a la plainte de notre douce Mère. Il n'y a pas d'images dans mon cœur, mais ces larmes et ce sourire sont et demeurent.
Notre Dame de la Salette, notre Dame de Livron, notre Dame du Bel Amour...

      Les mots éclosent comme des fleurs pâles. Ils se marient et s'effacent, ils peignent devant moi la beauté de Marie, et l'infinie souffrance d'une mère pour ses enfants. Pour son Fils. Toute adorante, toute offerte, toute transparente, toute rayonnante.
On imagine souvent une gloire de Dieu tonitruante. Mais sa gloire au profond du silence, l'éclat vertigineux de la douceur de Marie... nulle ombre n'y subsiste, nulle obscurité n'y trouve refuge, et elle, pourtant, accueille toute humanité comme elle a accueilli l'Esprit...  nul combat en Marie si pure, inaliénable douceur offerte à son Seigneur, celle de l'enfance, l'innocence fragile et veloutée d'un nouveau-né.
Nul combat en Marie. Le sourire et les larmes ensemble, la ténèbre qui se dissout, disparaît en elle comme brouillard au matin. C'est le soleil de justice, le grand feu de l'amour qui arde et s'apaise en elle, qui s'offre en elle à notre humanité et s'y révèle sans bruit. 

Marie Porte du Ciel, prie pour nous, pécheurs.


      Bernadette n'a pas reconnu le visage de la Dame de Massabielle dans cette grande statue qui se voulait fidèle.
Marie que je ne vois pas mais qui est, par l'amour de Dieu, ne faudrait-il pas la contempler au travers de la transparence de l'eau, de l'air frais au matin, des larmes qui perlent comme rosée à la joue d'une enfance qu'elle met au monde chaque jour ?
Elle que je ne vois pas mais qui est, par la grâce de Dieu, ne s'offre-t-elle pas comme un lieu de rencontre, toute oublieuse d'elle-même, toute Mère ? 
Il le savait, le Bien-Aimé en Croix, qu'il nous offrait sa mère non seulement pour qu'elle nous prenne par la main et nous conduise à lui, mais bien pour qu'elle nous accueille et nous fasse renaître, non pas d'elle telle qu'en elle-même, mais d'elle telle qu'elle est dans la gloire de Dieu, tant donnée que la Sainte Trinité peut transparaître et, par sa maternité, nous recréer d'eau et d'Esprit.

Marie comblée de grâce, mère de l'Eglise, prie pour nous, pécheurs.


      Il n'y a plus devant moi, autour de moi, que la douceur des larmes de Marie, la douleur de son sourire, cette attente qu'elle a de nous, non pas pour elle, mais pour Lui, le Tout Autre, le Tout Proche, en Croix. Elle qui est toute entière habitée de la splendeur de la Résurrection, elle qui pleure l'enfantement du monde, elle nous présente à chaque instant l'amour de son Fils crucifié en nous et par nous sans remords...
Mystère de Marie. Mystère d'une Femme, couronnée d'étoiles, qui souffre dans les douleurs de l'enfantement.

Marie de la rencontre, Notre Dame des Béatitudes, prie pour nous pécheurs.


      La claire nuit s'est refermée sur la pureté transparente de ma Mère. Elle m'a fait cadeau de ses larmes. Je pensais plus tôt à ce grand combat qui se joue bien au delà du monde et qui pourtant menace de le submerger. Nul combat en Marie. Juste la Croix pleine, simple, tellement simple dans la lumière de la Résurrection, juste les Béatitudes offertes toutes entières, avec la souffrance et la joie une.

Marie, Mère de Dieu, prie pour nous pécheurs. 


       Marie, ma Mère, tu m'as dévoilé ce soir les larmes de Dieu. Qui d'autre que toi peut nous les révéler, qui d'autre qu'une femme toute entière femme.

Marie, ma mère, prie pour moi pécheur... 

M.Felix, "Les nuits de feu"

Vocation, Thomas Merton

 Photo Dominique Cansier


         L'attrait pour un certain genre de vie et l'aptitude à la mener ne suffisent pas à établir la certitude de la vocation. Parfois, l'attrait, qui peut jouer dans de nombreux cas un rôle important, n'est pas toujours évident. L'on peut être appelé à la prêtrise tout en ayant une répugnance sensible pour certains aspects de cette vocation. Le désir d'entrer à la Trappe n'exclut pas nécessairement un certain recul devant l'austérité de la vie cistercienne.

La seule chose qui décide réellement d'une vocation est l'aptitude à rendre la résolution ferme d'embrasser un certain état de vie, et à agir d'après cette décision. Quelqu'un qui ne peut jamais se décider, jamais se résoudre fermement à faire ce qu'il faut pour vivre une vocation, n'a sans doute pas la vocation religieuse. Elle peut lui avoir été offerte : mais qui est capable d'en être certain ? Qu'il résiste ou non à la grâce, il semble en fait n'avoir jamais été "appelé". Au contraire, une  décision calme et bien arrêtée que les obstacles ni l'opposition n'arrêtent, est un bon signe que Dieu a donné la grâce de répondre à son appel, et qu'on y a correspondu. 

[......]

        Au lieu de parler théoriquement de cette vocation, regardons plutôt sa parfaire incarnation dans l'un de ses plus grands saints : saint François d'Assise. Les stigmates de saint François furent le signe divin qu'il était, de tous les saints, le plus semblable au Christ. Il avait réussi, mieux qu'aucun autre, à reproduire dans sa vie la simplicité, la pauvreté et l'amour de Dieu et des hommes qui marquèrent la vie de Jésus. En outre, ce fut un Apôtre qui incarna parfaitement l'esprit et le message évangéliques. Connaître saint François, c'est comprendre l'Evangile et le suivre dans son esprit sincère et pur; c'est vivre l'Evangile dans toute sa plénitude. Sa sainteté géniale lui permit de communiquer au monde les enseignements du Christ non sous tel ou tel aspect, en des fragments commentés et analysés par la pensée, mais dans l'intégrité de sa simplicité existentielle. Saint François était ce que doivent être tous les saints : un "autre Christ".

Sa vie ne reproduisit pas seulement tel ou tel mystère de la vie du Christ, il ne se contenta pas de revivre les humbles vertus de la divine Enfance et de la vie cachée à Nazareth, d'être tenté dans le désert avec le Christ ou aussi las que lui dans ses voyages apostoliques. Il ne fit pas simplement, comme Jésus, des miracles. Il ne fut pas seulement crucifié avec Lui. Tous ces mystères étaient unis dans la vie de saint François et, ensemble ou séparément, nous les y retrouvons tous. Le Christ ressuscité revécut parfaitement dans ce saint qui fut complétement possédé et transformé par l'Esprit d'amour divin...


Thomas Merton, "Nul n'est une île"