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mardi 20 août 2019

Dans le silence... St Bernard

« Celui qui veut prier en paix ne tiendra pas seulement compte du lieu, mais du temps. Le moment du repos est le plus favorable et lorsque le sommeil de la nuit établit partout un silence profond, la prière se fait plus libre et plus pure. « Lève-toi la nuit, au commencement des vigiles, et épanche ton cœur comme de l'eau devant le Seigneur ton Dieu ». Avec quelle sûreté la prière monte dans la nuit, quand Dieu seul en est témoin, avec l'ange qui la reçoit pour aller la présenter à l'autel céleste ! Elle est pure et sincère, quand la poussière des soucis terrestres ne peut pas la salir. Il n'y a pas de spectateur qui puisse l'exposer à la tentation par ses éloges ou ses flatteries.
C'est pourquoi l'Épouse [du Cantique des Cantiques] agit avec autant de sagesse que de pudeur lorsqu'elle choisit la solitude nocturne de sa chambre pour prier, c'est-à-dire pour chercher le Verbe, car c'est tout un. Tout est en lui : les remèdes à tes blessures, les secours dont tu as besoin, l'amendement de tes défauts, la source de tes progrès, bref tout ce qu'un homme peut et doit souhaiter. Il n'y a aucune raison de demander au Verbe autre chose que lui-même, puisqu'il est toutes choses. »
St BernardSermon 86 sur le Cantique des Cantiques 

mercredi 8 mai 2019

La tendresse... Jean Vannier

Jean Vannier, fondateur de l'Arche, est entré en son éternité le 7 mai 2019...

Le cœur de l'Arche, c'est la tendresse, 
et le message que l'on souhaite transmettre, c'est : Je t'aime comme tu es.


dimanche 14 avril 2019

Rameaux...


Jésus trouve beaucoup d'amateurs de son royaume céleste, mais peu de porteurs de sa croix.
Il trouve beaucoup de compagnons de sa table, mais peu de son abstinence.
Tous veulent la joie avec le Christ, mais peu veulent supporter quelque chose pour lui.
Beaucoup suivent Jésus jusqu'à la fraction du pain, mais peu jusqu'à boire le calice de la Passion.
Beaucoup vénèrent ses miracles, mais peu le suivent jusqu'à l'ignominie de la croix.
Beaucoup aiment Jésus tant qu'il ne leur arrive aucune adversité.
Beaucoup le louent et le bénissent tant qu'ils reçoivent de lui quelque consolation ; mais dès qu'il se cache et les laisse un peu à eux-mêmes, voilà qu'ils tombent dans les revendications et un excessif abattement.
Mais ceux qui aiment Jésus pour Jésus et non pour quelque consolation personnelle, le louent et le bénissent dans la tribulation et l'angoisse du cœur, autant que dans la plus grande consolation. 
Imitation de Jésus-Christ, II, 11.


dimanche 7 avril 2019

De la Loi à la Grâce...

Vasili Podenov, "le Christ et la femme adultère"
La Loi  était gravée dans la pierre...

Jésus écrit sur du sable...                                                                                
                                          
La pierre est devenue sable, la Loi toute entière s'accomplit dans la Grâce...


dimanche 10 mars 2019

Ascèse... Maurice Béjart


Je crois que l'ascèse est une des choses principales pour le développement de l'être humain et que l'ascèse est nécessaire à la construction d'un art quel qu'il soit. L'ascèse consiste à choisir perpétuellement l'essentiel.
C'est en ne gardant que l'essentiel et le nécessaire que l'on trouve tout à coup les forces de la vitalité et de la vérité.

Je crois que la mortification est nuisible parce qu'elle a toujours un côté de répression et qu'elle a toujours un côté qui facilite la débauche inverse... L'épanouissement doit être une ascèse, un dépouillement qui n'est pas une contrainte négative comme la mortification. Les ascètes peuvent vivre d'une façon encore plus frugale qu'une personne qui se mortifie, mais les ascètes le prennent comme une espèce de décontraction totale, alors que la mortification implique toujours l'obligation.

L'ascèse, c'est se contenter du verre d'eau et du morceau de pain, et c'est la savourer avec délice, parce qu'au fond vous avez l'essence de la vie qui est l'eau et le pain et que vous n'avez pas besoin d'autre chose. Mais si l'eau et le pain sont une mortification, vous êtes condamnés au pain sec et à l'eau : c'est une punition. Au fond l'ascèse, c'est la joie, c'est une chose qu'on découvre petit à petit.

Le corps doit être profondément travaillé pour trouver sa liberté. Cette liberté est au-delà de la discipline. Pour que le corps participe à cette joie et à cette liberté totale, il doit passer à travers différentes étapes purificatrices.

Pour parler simplement du métier de danseur, un danseur est un être qui a commencé entre dix et quatorze ans à faire une série d'exercices chaque matin, et il les fait toute sa vie, sans aucun jour d'interruption, tous les matins. Il s'impose une espèce de discipline au départ, qui lui permet de trouver sa plus grande liberté.

Finalement, quand on me dit: "Qu'est-ce que la danse ?", je réponds: à l'échelon des gens qui ne savent pas, c'est se mettre debout et faire n'importe quoi ; à l'échelon des très bons danseurs, c'est avoir une discipline de dix ans ou de quinze ans et faire des choses très codifiées ; à l'échelon du véritable danseur, c'est se mettre debout et faire n'importe quoi, mais après avoir passé vingt ans d'ascèse... C'est retrouver l'innocence et la liberté, mais avec un travail préliminaire.

Le danseur idéal, ce serait un être libéré loin de notre civilisation. Je crois qu'actuellement le drame de l'époque consiste à faire croire aux gens qu'en multipliant leurs besoins on augmente leur joie. En réalité, on augmente alors leurs attaches... La seule issue pour le monde actuel, c'est non la privation, je n'aime pas ce mot là, mais c'est la joie dans le dépouillement.
Maurice Béjart
L'Art sacré n°1, 1er trim. 1969.





lundi 24 décembre 2018

Nuit de Noël... M. Zundel



La nuit de Noël, Dieu vient naître parmi nous, Dieu cherche à naître en nous. Il se peut que le grand problème de notre vie ne soit pas tellement de vivre, mais finalement de naître ! Car, nous ne sommes pas l’homme que nous paraissons être : célèbre ou inconnu, riche ou démuni, habile ou maladroit…. Tout cela c’est l’apparence des choses.
Nous sommes un homme qui cherche à naître.

Si tu sais en toi cette pulsation merveilleuse qui te porte à ne pas être aujourd’hui ce que tu étais hier, tu es en train de naître.
Si tu te sens aujourd’hui capable d’un amour tout neuf que tu n’espérais pas hier, tu es en train de naître.
Si tu te fais aujourd’hui tout-petit devant Jésus, pour te laisser conduire dans sa Lumière, tu es en train de naître.
Sois sûr que la plus grande chose de la vie ce n’est pas de vivre, c’est de naître constamment pour ne pas être vieux.

Puisses-tu garder de cette nuit la saveur d’une rencontre : la confiante et humble certitude que tu es appelé indéfiniment à être et tout autant, appelé à faire naître les autres.
Et voici qu’inlassablement, Noël après Noël, jour après jour, Dieu frappe à ta porte et demande à naître en toi !
Maurice Zundel textes inédits. 

lundi 17 décembre 2018

Avent, temps d'espérance... 3ème dimanche


Espérance… Où sont-ils, les vivants d'espérance, où sont-ils si, au cœur de leur église, ils la pensent au-delà, plus tard, comme un rêve merveilleux qui  n'aurait pas sa place ici; où en sont-ils de leur vie ? De ce qu'ils appellent la foi ? Comment ne pas percevoir cette venue profonde au cœur de chacun, cette poussée de silence : espérer n'est pas un futur, c'est un présent, dans tous les sens du mot. Un chemin d'aujourd'hui, et d'aujourd'hui, et d'aujourd'hui… 
Il n'y a pas de demain. Il y a la beauté, la paix, la joie, qui germe en l'homme à son rythme, se déploie... alors émerge enfin à la lumière d'ici et se révèle un peu plus le Royaume. Il n'est pas de ce monde, bien sûr, mais il habite au cœur du monde comme un secret et une… J'allais écrire victoire, ou gloire peut-être, ou peut-être les deux. Certainement les deux. Il peut y avoir entre ces deux aujourd'hui le temps d'un vie ou d'un sourire, ou le clin d'oeil d'un ange, il peut y avoir un abîme de vertige ou le fragile d'une feuille d'or, il n'y a jamais de demain… Nous n'avons qu'aujourd'hui, infiniment, pour vivre et pour aimer. 

Que cherchent-ils ces voyageurs d'espoirs déçus, tous ceux qui projettent l'espérance comme un moteur pour avancer vers… Tous ceux qui se plongent dans ce qu'ils appellent la réalité et qui n'en voient plus que les troublantes apparences de haines, d'orgueils, de désespoirs, de joies aussi, et de plaisirs… 
Ici, tout est pluriel, la vie se fragmente à l'infini sur nos pauvres miroirs et nous plonge dans un mauvais songe ou une ivresse plus ou moins joyeuse.

Espérer, attendre… Il y a deux façons d'attendre : quelque chose doit venir à quoi on s'accroche au risque de se lasser, car ce quelque chose viendrait de l'extérieur, on ne sait trop quand, on ne sait même pas si c'est vrai, ou attendre comme on attend un enfant... on disait : elle est en espérance d'enfant. Cet enfant, il va naître, il grandit en la femme, grandit sous la main de son père, fruit d'amour…

L'espérance, c'est la certitude de cet amour qui fruite en silence en nos cœurs épousés de l'Esprit, cette attente bénie et agissante qui invente un espace de douceur, nourrit et protège ce fruit sans même que nous en ayons conscience, aujourd'hui, et puis aujourd'hui, et puis aujourd'hui… dans ce présent qui est tout entier porte d'éternité.

L'espérance est au présent. Elle ne peut qu'être au présent. 

Alors le Royaume affleure dans nos vies, alors enfin la joie, la paix, l'amour…
M.F. "Les nuits de feu"


dimanche 2 décembre 2018

Avent... 1er dimanche


"Préparez le chemin du Seigneur." Le chemin du Seigneur, frères, qu'il nous est demandé de préparer se prépare en marchant. On y marche dans la mesure où on le prépare. Même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que, du point où vous êtes parvenus, vous soyez toujours tendus au-delà. 

Voilà comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur à qui vous préparez les voies vient au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand.
Aussi est-ce avec raison que le juste prie ainsi : "Enseigne-moi le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours." On donne à ce chemin le nom de vie éternelle, peut-être parce que bien que la providence ait examiné le chemin de chacun et lui ait fixé un terme jusqu'où il puisse aller, cependant la bonté de celui vers lequel vous vous avancez n'a pas de terme. C'est pourquoi le voyageur sage et décidé pensera commencer lorsqu'il arrivera. Il oubliera alors ce qui est derrière lui pour se dire chaque jour : "Maintenant, je commence."


Mais nous qui parlons d'avancée dans ce chemin, plût au ciel que nous nous soyons mis en route ! A mon sens, quiconque s'est mis en route est déjà sur la bonne voie : il faut toutefois qu'il ait vraiment commencé, qu'il ait trouvé le chemin de la ville habitée, comme dit le psaume. qu'ils sont peu nombreux ceux qui la trouvent, dit la Vérité. Qu'ils sont nombreux ceux qui errent dans les solitudes...
Et toi Seigneur, tu nous as préparé un chemin, si seulement nous consentons à nous y engager. Tu nous as enseigné le chemin de tes volontés en disant : Voici le chemin, suivez-le sans vous égarer à droite ou à gauche. C'est le chemin que le Prophète avait promis : "Il y aura une route droite et les insensés ne s'y égareront pas." J'ai été jeune, maintenant je suis vieux et, si j'ai bonne mémoire, je n'ai jamais vu d'insensés sur ton chemin, Seigneur, c'est tout juste si j'ai vu quelques sages qui aient pu le suivre tout au long. Malheur à vous qui êtes sages à vos yeux et qui vous dites prudents, votre sagesse vous a éloignés du chemin du salut et ne vous a pas permis de suivre la folie du Sauveur.

Si tu es déjà sur le chemin, ne perds pas ta route ; tu offenserais le Seigneur qui lui-même t'a conduit. Alors il te laisserait errer dans les voies de ton coeur. Si ce chemin te paraît dur, regarde le terme auquel il te conduit. Si tu vois ainsi le bout de toute perfection, tu diras : "Comme ils sont larges tes ordres." Si ton regard ne va pas jusque-là, crois au moins Isaïe le Voyant qui est l'oeil de ton corps. Il voyait bien ce terme lorsqu'il disait : "Ils marcheront par ce chemin, ceux qui ont été libérés et rachetés par le Seigneur, et ils viendront dans Sion avec des cris de joie. Un bonheur éternel transfigurera leur visage, allégresse et joie les accompagneront, douleur et plainte auront pris fin." Celui qui pense à ce terme, non seulement trouve le chemin court, mais encore a des ailes, de sorte qu'il ne marche plus, il vole vers le but. Que par là vous conduise et vous accompagne celui qui est le chemin de ceux qui courent et la récompense de ceux qui arrivent au but : Jésus-Christ."

Sermon du bienheureux Guerric D'Igny

jeudi 25 octobre 2018

L'homme ne se réalise qu'à travers l'amour...


Avant le commencement était l'amour. Par lui, tout fut créé de toute éternité; sans lui, rien n'aurait existé. Depuis l'origine était l'amour qui est le fondement de l'univers, la loi et le terme de toute chose. Rien ne restera, tout périra hormis l'amour.
Dieu est amour et vérité. Dieu est le véritable amour. L'univers de Dieu est celui de l'amour, celui de la vérité; et il n'y a pas de vérité en dehors de l'amour.
L'homme ne se réalise qu'à travers l'amour ; il ne parvient à la vérité qu'en Dieu. Il appartient à Dieu parce qu'il est le fils de l'amour, le fils de Dieu, et sa véritable demeure est en Dieu.

Il y a un chemin qui mène à l'univers divin : le Christ est ce chemin. Il est la vérité incarnée ; il est la manifestation de la vérité de la vie. Tout homme est appelé à emprunter ce chemin durant son voyage de ce monde vers l'au-delà. Et comme pour chaque voyage dans ce monde l'homme doit s'approvisionner, la seule provision, la seule arme, c'est l'amour. Cet amour ne peut qu'englober tous les hommes gratuitement, sans conditions ni limites. C'est ainsi que Dieu vous aime. Aimez-vous donc les uns les autres de ce même amour qu'est l'amour de Dieu.
Laissé à lui-même, l'homme ne peut pas se donner cet amour. Il le reçoit de Dieu, en Jésus-Christ, par l'Esprit. Pour ce faire, il faut prier. 
Par la prière seulement s'acquiert l'amour de Dieu le Père, source de l'amour, par Dieu le Fils, Jésus Christ, amour incarné, par l'Esprit de Dieu, Esprit d'amour. Priez donc pour avoir cet amour afin que vous aimiez tous les hommes gratuitement, sans limites ni conditions, comme Dieu vous aime. Vous serez alors les fils de Dieu. L'homme est né du cœur de Dieu, et au cœur de Dieu il retournera.

Tombeau de Saint Charbel



dimanche 23 septembre 2018

L'audace de l'humilité...

La vie et l’éducation d’un humain ne sont-elles pas remplies de contradictions ? Dans les premiers mois de notre existence, nous avons appris à marcher, et puis… on nous a invité à rester assis, à ne pas bouger ! Après nous avoir appris à parler, nos parents nous ont appris… à nous taire ! Que dire alors du paradoxe de l’évangile de ce jour ? « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous.» Faut-il donc se rabaisser pour grandir ?
Les disciples, en traversant la Galilée, discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand. Jésus les invite alors à sortir de cette spirale de la comparaison. Si quelqu’un cherche à s’accomplir, si quelqu’un cultive ce désir orgueilleux de ‘réussir sa vie’, qu’il prenne alors la seule voie qui n’amène pas de la comparaison, et donc inévitablement de la déception : c’est le chemin de l’humilité.
En ce sens, grandir selon l’évangile n’est en rien de l’abnégation ou de la dépréciation, comme cela a été si souvent mal compris. Humble est celui qui s’enracine en lui-même, dans son humanité et ses talents, mais qui place néanmoins son centre de gravité dans le cœur de l’autre, sans se comparer à lui. Celui qui prend ce chemin d’humilité a fait le deuil de la toute-puissance. Il met de la joie dans ce qu’il est, son histoire, et ne convoite pas ce qu’il n’a pas. Il ne regarde pas la reconnaissance comme un objectif à atteindre ou un critère de réussite, mais seulement comme la conséquence possible de ses actes. Humble est celui qui a la sagesse de conjuguer sa vie au présent. Il ne l’espère pas plus épanouie dans un futur simplifié, ne la regrette dans un passé décomposé. Voilà pourquoi, seule une personne vraiment humble peut vivre pleinement sa propre vie, telle qu’elle est. Elle résiste ainsi à toutes les petites blessures narcissiques du quotidien car elle n’a pas besoin de sa ration quotidienne de reconnaissance. En ce sens, humble est celui qui sait rire de lui-même. Il a l’audace de ne pas trop se prendre au sérieux, mais de recevoir sa vie simplement, telle qu’elle lui est donnée. Dans son cœur pacifié, il n’y a pas d’écart entre ce qu’il est et ce qu’il veut être. Il est libre face à cette recherche effrénée de l’accomplissement personnel.
En s’acceptant lui-même, il accueille Celui dont il reçoit l’être et la vie. Humble est celui qui se sait aimé de Dieu, élevé par Lui. C’est pourquoi il est capable grandir, de se laisser éduquer, d’accueillir ce qui le dépasse : la sagesse de Dieu venue d’en-haut, avec ses dons les meilleurs.
L’humilité est donc une bien curieuse qualité qu’on ne peut jamais s’attribuer à soi-même. Pour le dire autrement, elle est ce principe de vie, cet horizon qui refuse toute logique de comparaison, et donc de convoitise. « D’où viennent les conflits ? N’est-ce pas de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes » nous dit Jacques dans sa lettre. Et il ajoute, comme pour nous fournir la clé pour sortir de cette impasse de la comparaison : « Vous êtes pleins de convoitises. Et vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas » ! Voilà donc l’invitation toute simple que je nous propose d’accueillir en ce jour : la vraie grandeur de l’homme passe par cette capacité à demander, comme des petits enfants. Demander, c’est finalement faire preuve d’humilité, en reconnaissant son manque, comme un enfant.
Dans la culture juive de l’époque, un enfant n’a presque pas d’existence. Il est celui qu’on ne voit pas. Il est bien loin de l’enfant-roi de nos sociétés occidentales, qui attire tous les regards. Cependant, la caractéristique de tout enfant, quel qu’il soit, est de demander. Un enfant sait qu’il est petit, qu’il a tout à apprendre, à recevoir. Mais il demande. Il n’est qu’attente de relation. Trop souvent, nous avons peur de demander, par fausse humilité, parce que nous craignons un refus, ou parce que notre ego a peur d’être redevable. Et pourtant, en demandant la sagesse venue d’en haut, comme des enfants qui ont tout à recevoir, on en ressort toujours élevé, grandi.
Alors, ne cherchons pas la reconnaissance, mais accueillons cette grâce de l’humilité. Ayons cette audace de demander comme des enfants, —avec ardeur et persévérance— les dons les plus hauts pour nous-même, comme pour les autres. Alors, notre vie s’épanouira en joie. Amen.
Fr. Didier Croonenberghs, dominicain
Père Mina

dimanche 16 septembre 2018

Aux dires des gens, qui suis-je ?

Don Bosco
« Aux dires des gens, qui suis-je ? » Voici que Marc nous présente Jésus en train d’effectuer ce que nous qualifierions aujourd’hui d’enquête d’opinion. Comme les instituts de sondage n’existaient pas à cette époque, il interroge directement ses disciples. A l’instar des politiciens de tout bord, serait-il devenu soucieux de son image ? Je ne le pense pas, car l’Evangile nous le montre constamment en train de se dérober à l’admiration des hommes, lorsqu’ils veulent le faire roi. Il ne cherche pas à vérifier sa popularité, mais plutôt à savoir si les hommes ont compris le message qu’il est venu apporter au monde.
« Aux dires des gens, qui suis-je ? » Les avis sont partagés. Les uns le prennent pour Jean le Baptiste, d’autres pour Elie ou bien l’un des prophètes… dans tous les cas, un homme d’autrefois revenu à la vie. Ce qui caractérise ces réponses, c’est qu’elles cherchent à expliquer Jésus par le passé. On ne lui reconnaît pas une identité propre. On n’envisage pas un avenir qui pourrait être neuf.
Alors Jésus interroge ses disciples. « Pour vous, qui suis-je ? »  Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Christ. » Apparemment, tout est dit ; il n’y a plus rien à ajouter. Et pourtant sa réponse n’est-elle pas dangereuse, puisqu’aussitôt Jésus défend vivement de la répéter à quiconque ?
Confesser, en effet, Jésus comme Christ, c’est risquer de reprendre à son compte l’attente d’un Messie qui rétablirait la puissance d’Israël.
Jésus ne veut pas rentrer dans une telle étiquette. Sa façon de décliner son identité consiste à annoncer à ses amis sa passion, sa mise à mort et sa résurrection.
Jésus est le Messie, mais d’une autre façon, en présentant, comme le dit Isaïe, son dos à ceux qui le frapperont. Entre la réponse forte de Pierre et la véritable identité de Jésus, il y a la distance du chemin de croix. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi la sauvera. » C’est lorsque l’homme vit sa vie non pas dans le registre de l’avoir, mais dans celui du don, qu’il découvre alors le chemin du vrai bonheur.
« Pour toi, qui suis-je ? » Vingt siècles après, la question, ce matin, t’est à nouveau posée directement. Méfie-toi des réponses rapides… des formules toutes faites.
L’important est de savoir si, pour toi, Jésus est un homme du passé, ou bien s’il est un être du présent, ressuscité et vivant parmi nous, sous les traits des plus petits de notre société, puisqu’il ne cesse de nous dire
« Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites. »
Et nous découvrons alors, avec Saint Jacques, que si notre foi n’est pas mise en œuvre, elle meurt.
Voici 150 ans, un prêtre de l'Orne, l’abbé Vauloup a vibré à la détresse des orphelins, qui comptaient alors parmi les plus petits de la société rurale. Il entendait dans leurs cris l’appel du Seigneur. Alors, avec l’aide de laïcs, il fonda cet orphelinat de Giel, repris ensuite par les salésiens de Don Bosco, appelés par leur fondateur à reconnaître dans chaque enfant le visage du Christ. Ils sont donc invités à poser sur chacun un regard de confiance, d’espérance et d’amour. C’est ce regard qui a conduit tant d’enfants de cette maison à poser des actes héroïques durant l’été 44, dans cette campagne alors placée sous un déluge de feu. C’est ce regard qui continue de permettre aux jeunes accueillis dans cette école de se préparer à devenir de véritables acteurs de ce monde rural aujourd’hui en pleine transformation.
« Pour vous, qui suis-je ? » N’allons pas chercher à élaborer je ne sais quelle réponse abstraite … Ouvrons les yeux … et continuons de le découvrir présent au milieu des enfants qui grandissent…
P. Jean-Marie Petitclerc, vicaire provincial des salésiens de Don-Bosco
(Chapelle de l’établissement scolaire Giel-Don-Bosco, Orne)

dimanche 26 août 2018

C'est l'Esprit qui vivifie... par Réal Gaudreault


Durant toutes mes années d’expériences pastorales, j’ai pu observer un grand nombre de chrétiens honnêtes qui cherchaient le plus possible à ressembler à Jésus-Christ. Pour la majorité d’entre eux, l’expérience fut assez navrante, et ce, à cause du chemin emprunté par ces derniers pour y arriver. En fait, il n’était pas du tout efficace parce qu’il ne proposait que des transformations extérieures et visibles, des changements observables sur le plan moral. Vous me direz sans doute que c’est là tout ce qu’un bon chrétien devrait faire, et bien non !

Comme je le mentionnais plus haut, nombreux sont les chrétiens qui considèrent le fruit de l’Esprit de Galates (5 22) comme un défi personnel dans lequel ils devront conquérir un à un les neuf éléments de ce fruit. Comme ils aiment le dire: « actuellement, je travaille fort pour aimer un peu plus les gens. » En d’autres mots, j’essaie actuellement d’acquérir l’amour, fruit de l’Esprit, par mes propres forces. Tout cela est complètement ridicule. Le fruit de l’Esprit ne s’acquière pas par des efforts humains. Même toute notre bonne volonté est inutile pour la simple raison que ce fruit n’est pas humain mais spirituel. C’est le fruit de l’Esprit, non pas de l’homme.
 «C’est l’Esprit qui vivifie. La chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie.» Jean 6, 63

Ce texte de Jésus est clair et net. Jamais la chair n’arrivera à quoi que ce soit dans l’œuvre de Dieu. Voilà pourquoi le processus de transformation qui mènera éventuellement le croyant à porter le fruit de l’Esprit de façon authentique doit venir de l’intérieur. Le fruit de l’Esprit est un ensemble complet en lui-même. Bien qu’il inclut neuf éléments, il demeure un seul fruit qui agit par tous ses éléments dans le cœur du chrétien transformé. Il n’y a pas ici de processus d’amélioration, mais un phénomène de transformation spirituel que seul l’Esprit de Dieu est en mesure d’opérer dans le cœur renouvelé du croyant.
 « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu’au dedans ils sont pleins de rapine et d’intempérance. Pharisien aveugle ! Nettoie premièrement l’intérieur de la coupe et du plat, afin que l’extérieur aussi devienne netMatthieu 23 25-26

Sans même trop nous en rendre compte, nous reproduisons l’hypocrisie des pharisiens toutes les fois que nous cherchons à nous améliorer moralement sur le plan extérieur. C’est l’intérieur de la coupe qui intéresse le Seigneur car il sait que dès qu’il aura obtenu notre cœur, il aura donc aussi tout le reste de notre être. Ça lui importe fort peu que nous soyons moralement devenus de meilleures personnes car, si cette opération est l’œuvre de la bonne volonté humaine, elle n’est d’aucun mérite devant lui. Pis encore, ceux qui d’entre nous arrivent à bien contrôler leur imperfection morale, deviennent généralement des pharisiens de la même race que ceux qui ont crucifié le Seigneur. Laissons plutôt le Seigneur opérer son œuvre de transformation dans nos vies. La seule et unique chose dont il a besoin pour faire ce travail, c’est notre OUI.
« Or, le Seigneur c’est l’Esprit; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit.» 1 Corinthiens 3 17-18
Réal Gaudreault,
pasteur de l’Assemblée Chrétienne La Bible Parle, Saguenay.




lundi 23 juillet 2018

Marie Madeleine...

Extraits de "Marie Madeleine à la sainte Baume" de Jean Yves Leloup
 Myriam avait faim. Elle ne savait pas chasser. Dans la forêt de la St Baume comme dans les autres forêts d’ailleurs. Les   cailles ne tombent pas du ciel, toutes rôties, et nul n’a entendu parler de manne au goût de miel qu’on ramasserait chaque matin sur les rochers ou entre les mousses.



Pour celui ou celle qui a faim que pèse toute la philosophie, la spiritualité, la poésie, devant un plat de lentilles ? Rien… Que nous font les beaux discours, sur la vérité, sur l’amour, la patience, l’impermanence de toutes choses, etc. quand on a le ventre creux et que le ventre prend toute la place et nous dévore le cœur et le reste ? Myriam ne pensait à rien d’autre, ne vivait pour rien d’autre que pour un plat de lentilles. Les arbres de la St Baume pouvaient bien lui donner toutes sortes de fleurs et de parfums, cela ne faisait que l’énerver et la creuser davantage. «J’ai faim » – est-ce une prière que Dieu n’entendrait pas ? Ce jour là toutes les paroles de Yeshoua lui semblèrent vaines, insultantes plutôt : «Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez.» Est-ce que Yeshoua n’avait jamais eu faim ? Est-ce que il n’avait jamais marché nu en plein hiver dans une forêt hostile pour parler ainsi ? Myriam avait faim, elle était nue, elle était inquiète pour sa vie, elle était prête à renier tout l’Evangile qu’elle avait entendu pour un plat de lentilles… Que celui qui n’a jamais eu le ventre creux ; que celui qui n’a jamais eu faim lui jette la première pierre… Tous les écrits de Sagesse n’ont été écrits que pour des ventres pleins, pensait elle, pour ceux qui peuvent s’offrir le luxe d’avoir un esprit ou une grande âme, parce qu’ils n’ont pas de ventre qui leur fait mal. Myriam comprit qu’elle n’était qu’une bête, elle qu’on prenait pour la fiancée d’un Dieu, elle qu’on prenait déjà comme une incarnation de la   Sophia… Non, une bête, une femme sauvage, qui ne savait pas chasser mais qui sentait pousser en elle toutes sortes de griffes, elle était prête à bondir sur n’importe quoi, n’importe qui, elle en oublia le plat de lentilles, c’était une image, une pensée de trop, un souvenir, qui la coupait de son instinct, de son impulsion à faire ce qui est juste dans le moment présent. Elle se jeta à terre et c’est en rampant, le nez dans les feuilles mortes qu’elle trouva sa nourriture, mais était-ce encore un nez, plutôt un mufle, un groin, comme ceux des sangliers, ses frères de la forêt – ce n’était pas un plat de lentilles qu’elle découvrait, ni rien de ce qu’elle avait connu, cela avait un goût et une odeur indescriptibles, c’était sans doute ce qu’on appellera plus tard des truffes… Elle se nourrit encore d’un peu de terre et d’herbes et bu à la source. Elle comprit alors ce que Yeshoua voulait dire par «ne pas s’inquiéter». Cela voulait dire «ne pas en rajouter», ne pas rajouter sa faim future à sa faim présente, sa douleur à venir à sa douleur présente – cela suffit. Ce qui nous est donné dans l’instant présent, c’est l’unique nécessaire. Myriam observa davantage les bêtes de la forêt, effectivement elles ne s’inquiétaient pas du lendemain, elles ne semblaient s’inquiéter que lorsqu’elles avaient faim, mais non, elles ne s’inquiétaient pas, elles se réveillaient, elles avaient faim et c’est leur faim qui leur dictait les   actes nécessaires pour trouver la nourriture dont elles avaient besoin, avant de retourner à leur repos, à leur tranquillité qui semblait être leur nature essentielle. «La vie n’est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement ?» Comment la Vie peut-elle être une nourriture ? Les disciples en lui indiquant la forêt de la Sainte Baume comme refuge imaginaient sans doute qu’elle se   nourrirait « d’amour et d’eau fraîche ». Savaient-ils vraiment ce qu’était la faim ? Mais elle, savait-elle ce que c’est «se nourrir de la Vie» ? Elle venait ici pour l’apprendre… Il lui fallut plusieurs mois pour comprendre que « l’homme ne vit pas seulement de pain », de lentilles, de truffes montées de terre ou de cailles tombées du ciel ; mais aussi d’air et de souffle… Elle apprenait à respirer   profondément, il y avait là une nourriture subtile, elle ne l’avait jamais pensée ou imaginé, pourtant elle se souvint que Yeshoua mangeait si peu, sauf lorsqu’Il était avec des amis, les viandes grasses et le bon vin, Il savait alors les apprécier… 
Quand les disciples s’inquiétaient à propos de sa faim, il répondait: «J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas… Ma nourriture c’est de faire la volonté de mon Père.» Autant de paroles étranges qu’ici elle comprenait mieux. «Abba» – ce n’était pas pour Lui seulement un mot, mais une Présence, la Présence qui l’accompagnait et cette Présence Lui remplissait non seulement le cœur et l’esprit, mais aussi le ventre, Il se tenait tout entier en Sa Présence… Elle se souvenait encore d’une autre parole : «Je suis» est le pain de vie. Celui qui me mange n’aura jamais faim » – cette parole avait fait fuir beaucoup de disciples. «Comment nous donnerait-Il son corps à manger ?»
 Elle comprenait maintenant. «Je Suis» est le pain de vie, si elle se tenait en Sa Présence, comme Lui se tenait en Présence de la Conscience infinie  qu’Il appelait Son Père, elle serait nourrie «corps, âme, esprit». C’est ainsi qu’elle commença à invoquer Son Nom, «Yeshoua», sur le rythme même de son souffle…
 Les effets ne se firent pas attendre – Yeshoua, «Je Suis» demeurait vraiment en elle, calmait toutes ses faims, toutes ses inquiétudes. Elle affrontait chaque épreuve, en Sa Présence, une épreuve à la fois, une souffrance à la fois, un plaisir à la fois… Sans se soucier de ce qui allait venir – ce qui allait venir, c’était encore du présent, une occasion d’Être avec « Je Suis », en Sa Présence… Demain n’existe pas, n’a jamais existé, comme hier n’existe pas, n’a jamais existé. Il n’y a jamais eu qu’aujourd’hui, hier lorsque je l’ai connu, c’était comme «aujourd’hui», demain, je ne pourrai le connaître que comme «aujourd’hui». On ne peut aimer qu’au présent. Dire : j’ai aimé, c’est ne plus aimer ; dire : j’aimerai, ce n’est pas aimer encore. On ne peut vivre qu’au présent. Dire : j’ai vécu, c’est ne plus vivre ; dire : je vivrai, ce n’est pas vivre encore. Réfléchissant à cela, elle sentit sa vie se simplifier considérablement. L’unique nécessaire, c’était de considérer le présent comme l’unique nécessité. Ce n’était pas du «luxe», ou ce qu’on appellera de la spiritualité, c’était une question de survie. Si on veut vivre seule dans une forêt, il   faut se mettre à l’école de cette forêt et de ses habitants. N’étaient-ce pas les paroles de l’Enseigneur ? «Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ni ne recueillent dans les greniers et votre Père céleste les nourrit.» Elle se souvint d’une femme qui en entendant ces paroles lui avait dit : «ça se voit que Yeshoua n’a jamais eu d’enfants. Il saurait qu’une mère n’est faite que d’inquiétudes, pour ses poussins, ses chatons ou ses oursons… Quel égoïsme, quel manque d’amour !» Yeshoua, lui avait demandé d’observer davantage, les poules, les chattes et les grands ourses, elle verrait qu’en effet, ils ne s’inquiètent pas, ne se préoccupent pas, ne se font pas de soucis pour leur progéniture. Cela ne veut   pas dire qu’ils s’en désintéressent, bien au contraire, ils font tout ce qui est nécessaire et en leur pouvoir, pour leur bien être, mais ils ne se font pas de soucis, ils ne «rajoutent rien» à ce qui est « nécessaire»… «Mais nous», rétorqua la femme, «nous ne sommes pas de bêtes, nous sommes   intelligents et nous avons du cœur». «C’est une certaine façon d’utiliser son intelligence et son cœur que de se faire du souci», répondit Yeshoua, «mais est-ce la bonne ? N’est-ce pas une meilleure façon d’utiliser son intelligence et son cœur, que de répondre le mieux possible à la situation présente, sans se préoccuper du lendemain, sans se faire du souci pour ce qui n’est pas encore aujourd’hui ?» Yeshoua ne dit pas qu’il ne faut rien faire, mais de faire tout ce que nous avons à faire sans souci et sans inquiétude ; c’est le souci et l’inquiétude qui nous rongent le cœur, l’esprit et le ventre et nous empêchent de bien faire et de bien vivre… Le souci et l’inquiétude, c’est dans notre tête qu’ils trouvent leurs racines, pas dans la réalité. Si la paix régnait dans notre cœur et dans notre esprit «nous ferions mieux chaque jour l’unique nécessaire et cela suffit »… »
«Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ? Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter ?   Observez les lys des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Que si Dieu habille de la sorte l’herbe des champs, qui est aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ! Ne vous inquiétez donc pas en disant : Qu’allons-nous manger ? Qu’allons-nous boire ? De quoi allons-nous nous vêtir ? Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.»
À chaque jour suffit sa faim… Vivre sa faim, ne pas en rajouter avec de faux appétits, ne pas s’inquiéter – c’était la loi de la forêt, des animaux et des plantes qui l’entouraient. Elle souriait à la pensée du Roi Salomon, là il y avait sans doute une   erreur, si les lys des champs sont en effet très bien vêtus, une femme comme elle, de quoi Dieu pouvait-il bien la vêtir ? Elle avait froid et n’aurait pas supporté de se revêtir de peau de bêtes comme Jean-Baptiste ou de plumes d’anges comme dans ses rêves. C’est alors qu’elle remarqua que sa chevelure depuis son arrivée à la St Baume s’était beaucoup allongée et épaissie et que son corps revêtu de cette toison n’avait rien à envier à la fourrure des louves. Elle avait aussi appris à lutter contre le froid avec sa respiration et l’invocation du Nom de Yeshoua était parfois en elle comme un feu, plusieurs merles peuvent en témoigner, on voyait en hiver, la neige fondre à l’approche de son corps et de ses cheveux. Mais là n’est pas la question, les magiciens de toutes les contrées connaissent bien tous ces phénomènes qui naissent de notre intimité avec la nature. L’important pour elle c’était de «chercher d’abord le Royaume de Dieu et Sa Justice sachant que tout le reste lui serait donné par surcroît.»
La plupart des hommes cherchent d’abord le surcroît : «la richesse, la santé, la beauté, la réussite, la paix, la connaissance etc., tout ce qu’il peut y avoir de désirable…»
Ils cherchent le désirable avant de connaître quel est leur plus profond   désir, et leur énergie se disperse dans cette quête sans fin d’une infinité de désirables… Qu’est-ce qui règne sur moi ? pensait-elle. Quel est véritablement le Maître de mon désir ? et aussitôt elle se joignait à la prière de «Yeshoua – Je Suis» présent en elle : «Que ton Règne vienne», c’est-à-dire, que Ton Esprit, Ton Souffle de liberté m’anime, que je ne sois l’esclave, ni de moi-même (de mes pensées, de mon passé) ni de personne. Que je n’obéisse qu’à l’Amour, que ce soit la volonté de la Vie qui se fasse, qui se réalise en moi… Et de nouveau, elle invoquait le Nom, elle «s’ajustait» à la Présence de «Je Suis» en elle, afin qu’il établisse son règne dans toutes les dimensions de son être : charnelles, affectives, mentales et spirituelles. Elle cherchait d’abord cela, qui est partout et toujours présent ; en Sa Présence, dans Sa lumière et Son Amour, tout lui était donné par surcroît. Elle comprenait enfin dans cette solitude que d’autres auraient trouvée atroce et insupportable, une des paroles de l’Enseigneur qui lui avait semblé tellement injuste : «À celui qui a on donnera, à celui qui n’a pas on prendra même ce qu’il a.» À celui qui a l’amour en lui, tout lui apparaîtra comme un don, tout lui sera donné comme par surcroît, gratuitement, gracieusement, «grâce sur grâce »…

À celui qui n’a pas l’amour, même ce qu’il a, lui apparaîtra sans saveur, comme absurde, le monde sera « en trop » et il se sentira de trop dans le monde.
Chercher d’abord «comment aimer» c’était peut-être cela la question ? Et aimer ce n’était peut-être pas d’abord éprouver de grandes émotions ou de grands sentiments, c’était voir, regarder ce qui était devant ses yeux, agréables ou désagréables, ne rien chercher d’autre que ce qui est là, présent, puisque c’est à partir de cela qui est là, présent, que l’occasion lui était donnée «d’apprendre» à aimer. Apprendre toujours… ne jamais prétendre «savoir», car ce que nous savons date d’hier, ce n’est que dans la fraîcheur de l’instant ou dans le froid de l’inacceptable que «l’occasion » (kairos) nous est donnée… Nous ne pouvons pas changer les événements, nous pouvons changer notre façon de les endurer ; nous ne pouvons pas changer le monde, nous pouvons changer notre regard sur le monde… C’est le cœur qui fait la différence… quoi d’autre ? Ainsi pensait Myriam et ce n’était pas «spiritualité de luxe», hautes spéculations, mais sagesse des pauvres, sagesse de la terre qui ne se plaint pas de l’orage… Sagesse des bêtes et des plantes, blessées par la Vie qui les porte et les nourrit…



lundi 25 juillet 2016

L'amour ne peut être oisif, Bx. F. Palau



 L'amour ne peut être oisif dans le cœur humain : il travaille dans la mesure où on lui donne aliment et, selon l'objet auquel il se dirige, il prend les noms suivants :

Amour vierge, nouveau et jeune, ou ancien et prouvé.

Amour chaste.

Amour naturel, pur ou impur.

L'amour virginal est celui qui naît d'un cœur vierge et tend de toutes ses forces à son objet propre. : cet amour, tant qu'il est nouveau, cherche Dieu seulement; et croyant que Dieu sans la relation au prochain suffit, il en reste là, il stationne là; et s'il n'en sortait pas pour se répande sur le prochain, l'égoïsme spirituel le consumerait et le perdrait. Ainsi donc, la chose aimée comme objet principal est Dieu, mais il y a en plus le prochain (les hommes) qui, unis à Dieu-homme comme des membres à une tête forment un corps, et ce corps moral est l'Eglise sainte. La foi catholique, donc, quand elle découvre à l'amour son objet propre, s'il n'y a pas empêchement dans le cœur, cet amour marche avec toute la plénitude de ses forces vers lui, et l'amour unit celui qui aime avec la chose aimée comme le feu dans de nombreuses bûches. Cet amour, chez un jeune, est nouveau et le temps le perfectionne. Chez un ancien qui l'a nourrit dans son cœur avec soin, il œuvre en plénitude.



L'amour chaste est celui que l'on trouve chez les gens mariés; chaste également est l'amour des personnes consacrées à l'amour divin. Chez les gens mariés, il œuvre d'ordinaire très lentement, parce que son objet est très partagé et c'est chose facile que de le détourner en lui donnant un appât qui le tue.



L'amour naturel s'oriente vers tout ce qui est aimable et agréable; et si ceci est une chose défendue ou mauvaise, il est impur, et si c'est une bonne chose dans l'ordre naturel, il est licite.



L'amour pur, chaste, virginal, œuvre dans la solitude avec toute la plénitude de ses forces, parce qu'il peut, là, voir avec toute la clarté possible son objet propre, qui est l'Eglise sainte, ou Dieu dans le prochain.

Dans la solitude, la retraite, le silence, il œuvre avec toute son efficacité parce que, là, personne ne le distrait. L'objet de l'amour fixé au cœur humain par la loi est immense, infini; et si grand que, notre capacité a beau être presque immense, il remplit tout le cœur si celui-ci est vide ; et pour ces opérations, la conversation est une gêne. (Cf 1 Co 7, 32-34)
 Bx  Francisco Palau y Quer, "Mes relations"